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Accueil || Actualités du livre || Théâtre || François Villon || L’intérêt d’un poète :

« En l’an trentième de mon âge
Que toutes mes hontes j’eus bues. »

Comme beaucoup de grands moments de poésie, l’œuvre de Villon surgit à la suite d’une conversion…
Le poète a touché à travers ses souffrances le lieu où la poésie surgit entre la perception et la connaissance. Un voile se déchire et derrière il n’y a rien… mais lui sent qu’il y a tout et qu’il faut léguer cette expérience.
Alors pourquoi et comment léguer ce moment indicible, ce « surgissement du Grand Réel »… la réponse se trouve dans Le Testament.
Personnellement je pense, pour avoir longuement ressassé ce texte, que Villon n’est pas mort comme on l’a si souvent raconté mais qu’à l’image d’autres poètes il s’est retiré ayant fait à travers son vécu et son écriture l’expérience de l’inanité des choses de ce monde. Paradoxalement il est mort pour devenir vivant au royaume des morts qu’est pour lui le Paris de cette époque. Je ne vois pas d’autre raison d’avoir entrepris une telle construction, car Le Testament n’est pas le fourre-tout d’un escholier dépravé mais le rosaire particulièrement bien construit d’un savant du langage découvrant le détachement et la sagesse.
Pourquoi vouloir porter sur scène après Nerval et Dante ce Testament maintes fois relu d’un auteur si mal jugé et si loin de nos possibilités de perception sinon parce que je crois le Paris d’aujourd’hui plus proche que jamais du Paris de Villon.
Villon sort diplômé de l’université, plein d’espoir, mais il n’aura jamais de charge (d’emploi) car il n’a pas de relations. Il glissera donc doucement dans la marge pour finir dans la délinquance.
Sans connaître ce rapide tour d’horizon, on ne peut comprendre l’importance d’un legs bisauté et malicieux que décide de rédiger Maître François de Villon de Moncorbier des Loges.
Paris est une nef et cette nef est à la dérive sur un fleuve de démagogie et d’intérêts personnels. Voilà ce que révèle l’œuvre de François Villon.
Mais cet essai, si proche de Dante ou de Baudelaire, n’aurait que peu d’intérêt si la fable n’ouvrait à l’universel, car le poète comme ses illustres confrères mesurant la perfidie et l’étroitesse de son entourage s’en remet à Dieu.

Ce faisant je m’entroubliai
Non pas par force de vin boire
Mon esprit comme lié…
Dont le sensitif s’éveille
Et évertua fantaisie
Et tint la souveraine partie
En suspend et comme morte…