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A propos de l'auteur

  • Valérie PEREZ

    Fondatrice de ce site et auteur de la majorité des articles mis en ligne.
    Professeur agrégée et docteur en philosophie.

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La poupée de bois tendre de Claude Clément, illustrations d’Isabelle Forestier publié chez

Cet album met en poésie la magie de la création. Un grand marionnettiste crée des poupées magnifiques et leur bâtit des histoires qui leur tiennent lieu d’existence. Mais l’une d’elle trop jolie et trop sensible décide de s’enfuir. Elle s’envole jusqu’à une plage de sable blanc, y rencontre un pécheur solitaire, et un cœur pousse dans sa poitrine de bois tendre.

La créature échappe à son créateur, parce qu’elle a atteint la perfection. L’expression « donner une âme » est ainsi prise au pied de la lettre. Ce qui rend la poupée différente des autres, c’est sa beauté. On peut donc travailler sur ce thème en classe.

La beauté, dans La poupée de bois tendre est le fruit de la création artistique. Le marionnettiste est tout autant un artisan qu’un artiste. Dès la première page, on nous dit qu’il est « un maestro » c’est-à-dire un maître, un virtuose dans son domaine. Qu’est-ce qui fait de lui un artiste ? On étudiera en classe le champ lexical de la création artistique : il est celui qui « invente », qui est « inspiré », qui offre musique aux voix des poupées, il est « habile » et donc « admiré ». Son travail est détaillé page 2 : il « sculpte » « une houle copeau, de lambeau de tissu, de dentelles, de fleurs de nacre, de fils de soie » : c’est avec des petit morceaux, des petits matériaux variés qu’il fabrique « un pur joyau ». La comparaison est intéressante : la marionnette est précieuse. A la page 3, elle devient un chef-d’œuvre. Et de ce chef-d’œuvre naît la magie : la poupée est « enchantée », il émane d’elle « une grâce indéfinissable » car il est difficile de parler de ce qui est beau sans limiter l’objet dont on parle à une plate description. Evoquer la magie est plus parlant : le maestro est « charmé » par sa création. Le charme est bien du côté de la magie, de l’envoûtement. L’histoire racontée appartient bien au merveilleux.

Les illustrations montrent les différentes étapes de la création. Il y a d’abord un homme exceptionnel, « un grand artiste » dont on peut voir les œuvres dès la première page. A la page suivante, il est à l’œuvre, c’est-à-dire en plein travail. On fera décrire la deuxième illustration en soulignant la posture affairée du marionnettiste. On peut le voir dans son atelier, avec tous ses outils, de dos, ne s’occupant de rien d’autre, il est tout à son art. La poupée n’est alors que morceaux de bois : des jambes, une tête, des bras, rien ne laisse encore deviner la créature qu’elle sera. Le miracle a lieu de nuit : la troisième illustration montre « le maestro » assis, sous la lune, contemplant avec satisfaction la marionnette. Le texte joue sur le discours indirect libre : le narrateur omniscient nous livre les pensées qui agitent le créateur sous la forme d’une interrogation rhétorique « Qu’avait-elle de plus que les autres cette tendre et frêle poupée ? » L’adjectif « tendre » se rapporte autant à sa matière, faisant ainsi écho au titre, qu’à l’air de douceur qui émane de son visage.

Après avoir charmé son créateur, la poupée charmera le public, les autres poupées (l’une d’elle l’aidera à s’enfuir) et enfin un pêcheur, qui se prendra d’amour pour elle. La quatrième illustration montre la poupée dansant « au bout des fils ». Elle charme jusqu’au vent « qui devait l’emporter. Mais le vent hésitait à le faire ». Tout concours à faire de la poupée un être exceptionnel. Le récit merveilleux concentre tout autour de la poupée. Elle est le personnage principal, le monde qui l’entoure ne prend de sens que par rapport à elle.

Le charme naît aussi de la danse, rappelant par là les contes orientaux. Le costume coloré va également dans ce sens. Même chose dans le public : les habits des spectateurs ont des connotations exotiques qui donnent aux merveilleux toute sa magie. Le langage veut aussi traduire cette magie : le castelet devient « un écrin noir » (rappelant le « pur joyaux » de la page précédente), l’auteur use de comparaisons et de métaphores : elle danse « Comme un bel oiseau de papier déployant ses ailes fragiles » Le texte sera ici l’occasion de faire inventer aux élèves des comparaisons et des métaphores sur le même modèle : elle danse comme … elle est belle comme … les spectateurs sont heureux comme ….

La cinquième image donne une vision plus précise du pouvoir magique de la poupée. On demandera aux élèves de décrire et d’interpréter la position des spectateurs. L’image est ainsi faite que le lecteur se fond parmi « l’assemblée heureuse » qui assiste, charmée, au spectacle : la poupée est vue de loin. Les spectateurs, les bras levés sont au premier plan.

La sixième illustration montre un bouleversement de l’ordre des choses, c’est l’élément perturbateur du schéma narratif. La poupée est à genoux, elle est toute petite aux pieds immenses de son maître : finalement, elle n’est qu’une poupée …. Il n’est plus le créateur bienveillant mais le maître dominateur « sans moi tu n’es que brin de paille, lambeaux de papier, de chiffon, éclats de verre, et nœuds de soie ! » Il lui reprend la vie aussi vite qu’il lui a donné : « Ta présence n’est qu’illusion. Dans ta poitrine de bois tendre, Nul cœur ne bat en aucune saison. » Après avoir vécu l’enchantement, la poupée va s’incarner dans la réalité. Cet épisode marque un tournant dans le récit, récit qui donnera tort au marionnettiste, puisque justement, la poupée se verra pousser un cœur !

La septième illustration montre le revers du décor. Le spectacle est terminé. A première vue, les marionnettes ne sont plus que créatures éparses, emmêlées dans leurs fils, laissant traîner leurs corps mous. Mais la magie agit encore ! Une marionnette rivale libère la danseuse de fils, elle va pouvoir s’échapper !

A la huitième illustration, la poupée n’est plus qu’une molle silhouette emportée par le vent. Sa fuite est mouvement : « elle vogua », « tangua », parcourant ainsi tous les paysages, jusqu’à entrer dans la mer, et être emportée par une « vague échevelée ». Même le vent finit par l’abandonner : « quand le vent fut fatigué, il l’abandonna sans ambages sur le sable blanc d’une plage ». Qui viendra la sauver ? Nous sommes à un moment crucial du récit : il faut résoudre les problèmes ! La solution sera apportée par un élément extérieur, un pêcheur aussi solitaire que la marionnette. On analysera comment le pêcheur la ramène à la vie : quels gestes fait-il ? Comparons ce qu’il fait à la marionnette avec ce que faisait le marionnettiste. Le pêcheur s’oppose au marionnettiste : il est seul, alors que l’autre connaît le succès ; il vit dans une cahute de paille loin des hommes ; il libère la danseuse de ses fils en les coupant ; il danse avec elle et lui offre la liberté : « Tu peux rester mais tu peux partir si tu veux. ». Cette liberté offerte lui donne des ailes : celles de la liberté. Elle se remet à danser, prend les traits d’une femme et sent pousser un cœur dans sa poitrine de bois tendre. Le merveilleux est entré dans la réalité. Quelles images symbolisent la prison ? Dans le castelet, elle ne vivait que par ses fils et les mains de l’artiste. La grande plage et son espace infini s’opposent à l’espace étriqué du castelet. C’est, pour la poupée, une seconde naissance que l’on pourra comparer à la première.

Après la lecture et l’étude de l’album en classe, on pourra demander aux élèves d’inventer la vie de la poupée-femme et du pêcheur : décrire leur habitation ; imaginer comment ils se nourrissent, etc.

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  • > La poupée de bois tendre

    18 juin 2007

    Bonjour,
    C’est un peu par hasard, sur le web, que je suis tombée sur votre article au sujet de mon ouvrage " La poupée de bois tendre" et je tiens àvous remercier pour la pertinence de vos propos.
    Bien cordialement
    Claude Clément