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A propos de l'auteur

  • Valérie PEREZ

    Fondatrice de ce site et auteur de la majorité des articles mis en ligne.
    Professeur agrégée et docteur en philosophie.

Extrait de CLAIR DE LUNE de Maupassant

Le soir tombait. Dans le petit salon bourgeois, assombri par le crépuscule, Mme Roubère lisait, distraite, les yeux levés à tout bruit.
Le timbre enfin tinta, et sa sœur parut, tout enveloppée en ses grands vêtements de route. Et tout de suite, sans s’être seulement reconnues, elles s’étreignirent violemment, s’arrêtant de s’embrasser pour recommencer aussitôt.
Puis elles parlèrent, s’interrogeant sur leur santé, leur famille et mille autres choses, bavardant, jetant des mots pressés, coupés, sautant l’un après l’autre, pendant que Mme Henriette défaisait son voile et son chapeau.
La nuit était tombée. Mme Roubère sonna pour avoir une lampe, et, dès que la lumière fut venue, elle regarda sa soeur, prête à l’embrasser encore. Mais elle demeura saisie, effarée, sans parler. Sur les tempes, Mme Létoré avait deux grandes mèches de cheveux blancs. Tout le reste de sa tête était d’un noir sombre et luisant ; mais là, là seulement, des deux côtés, s’allongeaient comme deux ruisseaux d’argent qui se perdaient aussitôt dans la masse sombre de la coiffure. Elle avait pourtant vingt-quatre années à peine et cela était venu subitement depuis son départ pour la Suisse. Immobile, Mme Roubère la regardait stupéfaite, prête à pleurer comme si quelque malheur mystérieux et terrible se fût abattu sur sa sœur ; et elle demanda :
- Qu’as-tu Henriette ?
Souriant d’un sourire triste, d’un sourire malade, l’autre répondit :
- Mais rien, je t’assure. Tu regardes mes cheveux blancs ?
Mais Mme Roubère la saisit impétueusement par les épaules, et, la fouillant du regard, elle répéta :
- Qu’as-tu ? dis-moi ce que tu as. Et si tu mens, je le verrai bien.

Compréhension :

Les élèves seront invités à se repérer dans le texte et à le citer. On leur demandera de rapprocher certains mots du texte d’autres mots rencontrés dans les séances précédentes en particulier ceux qui désignent le temps et le lieu.

1- A quel moment de la journée se déroule cette histoire ?

2- Expliquer comment est annoncée l’arrivée d’Henriette ?

3- Quels mots désignent le grand étonnement de Madame Roubère ?

4- Quel est le sujet de son étonnement ?

5 - Relever les termes qui servent à décrire la chevelure d’Henriette. On fera remarquer que certains sont réalistes (adjectifs de couleur par exemple) d’autres font l’objet d’une métaphore que le professeur expliquera.

Ecrire

1 - Transcrivez la phrase suivante en discours direct : "Puis elles parlèrent, s’interrogeant sur leur santé, leur famille et mille autres choses, bavardant, jetant des mots pressés, coupés".

2 - Imaginez la suite du dialogue entre les deux femmes.

Pour fournir une aide à la rédaction du texte, la séance s’ouvrira sur une recherche collective de ce que l’on pourrait écrire. L’enseignant note les idées des élèves au tableau. Ceux-ci s’aideront du tableau pour rédiger.

Aide à la traduction

Version anglaise

Moonlight

Night came on. In the quiet parlor Madame Roubere was reading in the twilight in an absent-minded way, raising her, eyes whenever she heard a sound.

At last, she heard a ring at the door, and her sister appeared, wrapped in a travelling cloak. And without any formal greeting, they clasped each other in an affectionate embrace, only desisting for a moment to give each other another hug. Then they talked about their health, about their respective families, and a thousand other things, gossiping, jerking out hurried, broken sentences as they followed each other about, while Madame Henriette was removing her hat and veil.

It was now quite dark. Madame Roubere rang for a lamp, and as soon as it was brought in, she scanned her sister’s face, and was on the point of embracing her once more. But she held back, scared and astonished at the other’s appearance.

On her temples Madame Letore had two large locks of white hair. All the rest of her hair was of a glossy, raven-black hue ; but there alone, at each side of her head, ran, as it were, two silvery streams which were immediately lost in the black mass surrounding them. She was, nevertheless, only twenty-four years old, and this change had come on suddenly since her departure for Switzerland.

Without moving, Madame Roubere gazed at her in amazement, tears rising to her eyes, as she thought that some mysterious and terrible calamity must have befallen her sister. She asked :

"What is the matter with you, Henriette ?"

Smiling with a sad face, the smile of one who is heartsick, the other replied :

"Why, nothing, I assure you. Were you noticing my white hair ?"

But Madame Roubere impetuously seized her by the shoulders, and with a searching glance at her, repeated :

"What is the matter with you ? Tell me what is the matter with you. And if you tell me a falsehood, I’ll soon find it out."