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A propos de l'auteur

  • Ludivine Romer

    Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

Accueil || Licence de Lettres || Tocqueville || Des cartésiens qui s’ignorent : la méthode philosophique des américains selon Tocqueville

Compte rendu de l’article de Laurence Guellec intitulé « Des Cartésiens qui s’ignorent : la méthode philosophique des américains selon Tocqueville », publié dans la revue philosophique en 2004.

Dans son article publié en 2004 dans la revue philosophique,tome 129, Laurence Guellec, professeure à l’université de Poitiers, étudie les liens qui existent entre Tocqueville, l’Amérique et Descartes.
Ainsi, tout en détaillant les deux thématiques majeures de cet article ( la politique et la philosophie) , nous pouvons nous demander de quelle manière l’auteure laisse transparaitre son avis et donne un aspect critique à son analyse.

I. Une réflexion politique

Laurence Guellec débute son analyse par une citation de La démocratie en Amérique,tome II, qu’elle commentera par la suite, pouvant aisément être considérée comme une introduction à son propos.

Cette citation évoque l’Amérique et Descartes soit les deux grandes thématiques présentes au sein de l’œuvre de Tocqueville et dont il est question à travers cet article.

Dés le premier paragraphe, l’auteure qualifie l’affirmation de Tocqueville concernant l’Amérique « d’assertion impatriotique » à la ligne 4.
Le terme « impatriotique » a une forte teneur négative et laisse déjà transparaitre l’avis de l’auteure au sujet du choix de Tocqueville.
Plus tard elle qualifie même l’intérêt que Tocqueville porte aux américains d’« originalité Tocquevillienne » au cours du troisième paragraphe.
L’utilisation du nom de Tocqueville comme adjectif est à nouveau une réelle preuve de négativité.

Malgré tout, l’auteure tente d’expliquer le point de vue de Tocqueville lorsqu’elle évoque l’avènement de la démocratie en Amérique et en France.
Elle rappelle ainsi que les américains sont les premiers à avoir éprouvé le système démocratique et possèdent un droit à l’égalité et à la liberté plus ancien que les français qui ont,par ailleurs,dû se révolter pour obtenir des droits et une démocratie.

Enfin, l’auteure ne cache pas une certaine réticence au choix de Tocqueville de s’intéresser à un pays considéré comme moins cultivé ou lettré que la France mais tente néanmoins d’expliquer l’intention de l’écrivain.

Ainsi même si au premier abord cet article semble être davantage axé sur l’aspect politique de l’œuvre,il s’intéresse malgré tout à la portée philosophique de La démocratie en Amérique tout en incitant à la réflexion.

II. Une réflexion philosophique : Le choix de Descartes

Selon l’auteure, Tocqueville a décidé de transposer la pensée cartésienne en Amérique pour la rendre démocratique.
En effet, Laurence Guellec explique que la « méthode cartésienne […] est donc une méthode démocratique » (page 448)
Descartes n’est donc pas seulement un philosophe français, il est aussi et surtout une pensée commune à de nombreux peuples. Une pensée commune par ailleurs nécessaire à toute démocratie comme expliqué tout au long de cette même page.

Le « self made man » américain est d’ailleurs en quelque sorte une idéologie philosophique plus ou moins consciente qu’il est intéressant d’étudier pour ensuite établir une comparaison avec la France et ses principes philosophiques.

Tocqueville utilise donc Descartes comme argument d’autorité pour servir sa cause à la manière de nombreux autres auteurs comme le rappelle Laurence Guellec.

L’auteure désacralise cependant Tocqueville et son entreprise lorsqu’elle évoque sa façon d’utiliser Descartes.
Elle emploie tout d’abord le déterminant possessif « son Descartes » à la page 444 de manière à bien distinguer le Descartes utilisé par Tocqueville de René Descartes en lui même, puis elle utilise l’article défini « le » lorsqu’elle dit « Le Descartes de Tocqueville » pour enfin le qualifier de « Descartes de seconde main » à la page 449.
Cette accumulation de termes négatifs révèlent parfaitement ce que l’auteure pense de la manière dont Tocqueville utilise Descartes. Elle fait même allusion au dictionnaire des idées reçues de Flaubert à la page 444.
Or nous savons que cette œuvre est purement ironique et est même considérée comme étant une « encyclopédie de la bêtise humaine » par Flaubert lui même.
Ainsi résumer la connaissance que Tocqueville a de Descartes à cette œuvre est entièrement péjoratif.

L’auteure insinue à travers ces éléments que Tocqueville n’explore pas assez intensément la pensée cartésienne qui est trop vite résumée à sa célèbre doctrine « cogito ergo sum » qui signifie « je pense (ou je doute) donc je suis ». Elle se demande même si Tocqueville a effectivement lu La Méthode.

Enfin Laurence Guellec clôt son article sur une comparaison de Tocqueville à la prophétesse grecque Cassandre lorsqu’elle le qualifie de « prophète de mauvais augure de notre modernité » (p 553) insistant sur son côté pessimiste, hésitant éternellement entre deux formes de liberté.

Cette comparaison peut cependant avoir deux sens.
En effet, Le premier serait que l’auteure compare Tocqueville à la prophétesse grecque pour son côté pessimiste,peu confiant en l’humanité et dont les dires peuvent s’apparenter à de la médisance, tandis que le second serait que Tocqueville serait pour le moment un auteur incompris par ses semblables et dont les prévisions se révèleront exactes comme l’ont été celles de Cassandre avec la guerre de Troie...

En conclusion, grâce à des références précises pouvant s’apparenter à des arguments d’autorité et de subtiles marques de subjectivité, cet article peut être considéré comme étant une critique appuyée mais cependant nuancée et approfondie de l’œuvre d’Alexis de Tocqueville qu’il semble nécessaire de déchiffrer dans son ensemble.
L’auteure laisse apparaître son opinion tout au long de son analyse tout en insinuant un appel à la réflexion politique et philosophique.
Deux thématiques qui, au fil de l’article,apparaissent comme étant finalement indissociables.