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A propos de l'auteur

  • Laëtitia Rey

    Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

Accueil || Licence de Lettres || Tocqueville || Du goût du bien-être matériel en Amérique T.2, ch.X, p. 181 (éd. Folio histoire)

T.2, ch.X, p. 181 (éd. Folio histoire)

De la démocratie en Amérique étudie notamment les dérives possibles de la démocratie et de la liberté. L’attachement aux biens matériels est une des conséquences de la démocratie et peut devenir un mal. Dans un chapitre clair et structuré, à l’image de son œuvre, Tocqueville constate qu’il existe un goût « général », une « passion […] naturelle », pour le bien-être matériel en Amérique. Après cette observation, sa démarche va consister à chercher les « causes » des « effets » décrits.

Tocqueville confronte l’Europe et l’Amérique - l’aristocratie et la démocratie - à propos du goût pour le bien-être matériel. Quelles différences y a-t-il entre ces deux systèmes politiques à ce sujet ? En quoi la démocratie développe-t-elle l’attachement aux biens matériels ? Et en quoi l’aristocratie se dégage-t-elle de ce goût ?

La transmission héréditaire des richesses dans l’aristocratie favoriserait le détachement des riches pour leurs biens. Tocqueville souligne ce paradoxe : les familles qui jouissent de richesses « fixées héréditairement » ne ressentent pas le « goût exclusif du bien-être » et peuvent s’en séparer avec facilité. De plus dans une aristocratie, qui tient la société « immobile », les pauvres et les riches sont habitués à leur état et ne cherchent pas à le changer. La foi suffit à l’imagination du pauvre ; il va chercher ses jouissances « au dehors ».

Au contraire, dans un système démocratique, l’égalité créée alimente le désir de richesse chez chaque individu : le pauvre par son imagination, le riche par accoutumance. Le pauvre a en effet l’espoir permanent de devenir riche, et le riche a la crainte de redevenir pauvre, car il a déjà connu « l’aiguillon du besoin ». Pour Tocqueville, le climat de confusion qui règne à l’aube d’une démocratie, lorsque « la lumière et la liberté se répandent », provoque donc « l’envie » et la « crainte » chez les individus.

Pourquoi la « passion du bien-être matériel » prend-elle une place si importante à l’époque de Tocqueville ? Le développement des classes moyennes serait intimement lié à cette passion : « elle grandit et s’étend avec cette classe ». Par de nombreux effets de parallélismes, l’auteur met sur un même plan les riches et les pauvres pour leur même « goût » : ce désir permanent d’acquérir ou de préserver leurs richesses. Selon Tocqueville, « l’amour du bien-être » se répand de plus en plus et devient « le goût national et dominant ». L’auteur se détache de ce goût du bien-être matériel et souligne son absurdité avec des termes ironiques : « les moindres besoins du corps » ou les « petites commodités ». Les jouissances « si incomplètes et si fugitives » des choses matérielles enivrent l’homme et l’éloignent d’une conscience démocratique, l’amenant vers un intérêt individualiste. La démocratie et l’égalité entraînent ce qu’elles sont supposées éviter : l’individualisme. En cela Tocqueville dénonce les maux et les paradoxes de la démocratie en Amérique.