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Accueil || Actualités du livre || Hadrien Laroche || La Restitution d’Hadrien LAROCHE

Dans le cadre de notre cours d’écriture numérique il nous a été présenté trois romans de l’auteur Hadrien LAROCHE. Nous devions en choisir un ou les trois pour les plus courageuses, les lire et en faire une critique. Mais comment choisir un livre d’un auteur que l’on ne connaît pas ? C’est alors que surviennent pleins de questions dans notre esprit : Qui est-il ? De quoi parle ses ouvrages ? Car le choix de lire un livre plutôt qu’un autre est une décision personnelle fondée sur des critères propre à la personne. Dans le cadre de notre stage en librairie nous avons pu observer le déroulement d’un achat de livre. Certains arrivent avec une idée très précise, choisissent l’objet dans l’étagère sans même le regarder et s’en vont alors que d’autres, sans idées précises prennent le temps, touchent les livres, les observent. Par ailleurs, nous savons aussi que le titre d’une œuvre joue un rôle essentiel dans la relation auteur, livre, lecteur. C’est ce qui c’est passé pour nous avec les trois titres proposés : Les Orphelins ; Les Hérétiques ; La Restitution. Tous les trois sont concis mais les titres sont tellement forts et porteurs de sens qu’ils ont pour effet de nous intriguer. Notre attention s’est alors porté assez vite sur le roman La Restitution, publié en 2009 et le dernier né de ce triptyque littéraire. Ce titre est celui qui intrigue le plus notre esprit : Quel est cette restitution ? de quoi et à qui ? Pourquoi Hadrien LAROCHE s’intéresse-t-il à ce thème pour écrire une fiction ? C’est ce que nous allons essayer de voir en vous proposant notre lecture critique de son œuvre.

Tout d’abord, ce roman est une complexe composition entre fiction, histoire et réflexion philosophique. Hadrien LAROCHE s’attache à nous faire découvrir, l’univers de la Spoliation des juifs par le troisième Reich et par conséquent la Restitution. Le personnage principal est Henri Berg, un jeune diplomate français, qui s’intéresse à ce sujet de part sa supposée filiation juive. Ce pan de l’Histoire va permettre à l’auteur d’aller vers la notion de filiation, et d’analyser les problèmes identitaires que cette spoliation a engendrés. Comme le dit Hadrien Laroche dans son interview par Sylvain Bourmeau pour le site Mediapart « l’objet du livre est de restituer cette relation particulière de filiation entre ces personnages, père et fils et qui ne sont pas fils et père l’un de l’autre. » Effectivement, l’histoire débute lorsque Henri débarque à Vilnius en Lituanie pour une conférence, un an après le décès de l’homme qu’il pensait être son père. Le narrateur va alors au fil de son histoire nous expliquer son rapport au père, qui ne l’est pas, et les conséquences de cette nouvelle sur sa propre mémoire, sur sa propre identité. Cette quête identitaire n’est pas isolée dans l’histoire mais elle s’articule parfaitement avec le passif des deux autres personnages : Letitia, la jeune hôtesse de l’auberge Mona Lisa et Herbert Morgenstern, ami du narrateur et collectionneur d’art. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire nous découvrons trois êtres victimes de spoliation, rattachés par un présent lui même spolié et représenté par le trafic d’enfant de l’auberge où loge Henri. Nous avons à faire à trois spoliations comme celle d’Herbert dite historique, qui recherche le piano de son défunt père, tué par les allemands en 1940. Letitia, elle, représente la spoliation économique, étant en état de servitude dans la maison Mona Lisa. Elle travaille pour payer sa dette à ses maîtres qui ont pris possession de ses papiers et donc de sa liberté. Puis il y a la spoliation spirituelle qu’à l’impression de vivre Henri, qui est tout de suite mise en scène dans le récit par métaphore, avec la perte de ses papiers d’identité. Leurs histoires sont rattachées au passé avec leurs souvenirs mais les souvenirs sont-ils vraiment des faits historiques, attestés ou de simples représentations de l’esprit ?

Tout le récit de notre fiction est d’ailleurs bousculé par plusieurs analepses, où Henri revient sur des moments de sa vie personnelle ou sur des souvenirs de discussions passées. Le lecteur comprend alors par bribes l’histoire de ses Hommes fictifs ou historiques. Au fur et à mesure, le lecteur est pris entre plusieurs temps : le présent de la narration, le passé personnel des protagonistes et le passé historique. Ces trois dimensions s’accordent au rythme des trois vies racontées par Henry sur trois journées. Le narrateur va entreprendre de restituer au lecteur son passé, celui de ses amis mais aussi le passé historique avec de grandes explications sur le fonctionnement de la spoliation nazi. Ces aller-retour entre le présent de narration et le passé personnel ou historique permettent au narrateur de revenir sur des moments forts précis de sa propre histoire comme par exemple le jour où il a appris que son père n’était pas son père page 73 : « L’an passé, trois jours après le service donné à la mémoire de mon père, Henry Berg, alors qu’elle avait plongé la main dans son cabas pour y trouver son portefeuille payer ses rognons, devant la caisse ma mère m’a dit : « Est-ce’tu sais vr’ment qui est t’père ? ». » La scène se déroule dans une boucherie : lieu qui restera dans le roman, un endroit particulier renvoyant à toutes les angoisses d’Henri puisque le récit de cette annonce est précédé par la vision par la vitre du tram, d’une boucherie. Les objets et lieux ont un impact sur les personnages, ce qui est aussi illustré par la personne d’Herbert. Il est désespérément à la recherche du piano de son père spolié par les Allemands. On comprend alors que les objets spoliés, même malgré leurs disparitions ont toujours une influence sur le présent. Ces objets prennent alors la valeur de symboles pour ceux qui les recherchent à la limite de l’obsession comme pour Herbert. Cependant, il n’y a pas que les objets passés qui ont une importance dans notre ouvrage, car la spoliation identitaire est toujours vivante, elle est seulement devenue secrète, cachée. Ce concept est représenté par la pension Mona Lisa qui est « le théâtre d’un trafic qui a pour objet les enfants »p71. Les hommes qui jusqu’alors sont à la recherche d’objets disparus deviennent eux-mêmes de simples objets de transaction, de tractation économique : « Hommes eux-mêmes parfois devenues objets »p47.

Ce questionnement sur la servitude de l’homme, de sa place dans le monde se met en place en filigrane dans notre œuvre. Les réflexions sont entrecoupées dans le récit et le lecteur ne peut commencer à comprendre la portée de chaque parole, de chaque événement seulement en continuant la lecture. Le lecteur lui même se retrouve dans une situation de spoliation par l’auteur qui ne lui donne pas toutes les clés. Nous nous retrouvons alors dans le même état d’esprit que les personnages principaux, en quête d’informations. Cependant, comme le dit Hadrien Laroche dans l’interview pour Mediapart " la leçon dans La Restitution n’est surtout pas de restitution (...) il s’agit plutôt d’ouvrir des pistes". Effectivement à la fin de l’oeuvre, le lecteur s’est ouvert sur une nouvelle dimension historique ou philosophique, mais dans tous les cas on ressort différent de cette lecture prenante jusqu’au bout.

Pour conclure, la découverte de ce roman fut une très bonne surprise pleine d’informations et de réflexions qui permettent de mieux comprendre cette part de L’Histoire qui a transformé l’Humanité et par filiation notre propre conception.