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Chronique par Arnaud BRION et Valérie Martin-Pérez

publié aux éditions en 2007.

Des immigrés de tous horizons se sont invités dans le dernier roman de Santiago Gamboa, ou plutôt dans l’imaginaire parisien de notre écrivain Colombien préféré.
Esteban, le narrateur, est quant à lui un écrivain en devenir lorsqu’il arrive dans la capitale française, qui sera tour à tour lieu de fantasmes et de désillusions. D’ailleurs, ce n’est pas Paris qu’il rencontre mais Suzi, Sakia, Lazlo, Jung et bien d’autres encore, qui viennent d’Amérique du Sud, d’Asie, d’Afrique et qui partagent tout, misère et bonheur, cœur et corps.
Ces rencontres font toutes la force et la beauté de ce grand roman qui s’inscrit dans la tradition des Cent nouvelles nouvelles. En effet, à chaque rencontre c’est tout un monde qui se dévoile et qui captive le lecteur. Chaque personnage rencontré conte son histoire et, se confiant à Esteban, il se livre au lecteur. Ainsi, tantôt confident, tantôt voyeur, le lecteur du Syndrome d’Ulysse vit très intensément ces rencontres, un peu comme Esteban.

L’histoire

Esteban, jeune émigré colombien, débarque à Paris pour écrire une thèse à la Sorbonne. De la plonge d’un restaurant du 13ème arrondissement aux péniches transformées en hôtel de passe, la terre promise est loin d’avoir la saveur escomptée. Pourtant il va tisser au fil de ses rencontres, souvent charnelles, un fil d’Ariane vers son identité d’écrivain.

Qu’en penser ?

Gamboa analyse avec pertinence et sans aucune complaisance le chant du déracinement. Dans ce roman, les personnages ont une véritable épaisseur, ils portent avec eux les stigmates qui les ont poussés à l’exil. L’énergie du désespoir qu’ils déploient pour survivre dans cet eldorado parisien est bouleversante. La description du quotidien de ces déracinés est amère. Dans cette inhumanité qui prend les traits d’une misère sociale intense, le sexe apparaît comme un exutoire, une urgence vitale, le dernier moyen pour se sentir vivant.
Le syndrome d’Ulysse tient parfois du roman conversationnel : les personnages rencontrés par Esteban prennent la parole dans des chapitres particuliers immédiatement après leur rencontre ; ce procédé inventif donne du rythme à la narration. Rythme que l’on retrouve dans le style : tantôt lyrique tantôt beaucoup plus journalistique, voire minimaliste. Le roman ne s’essouffle pas un instant, pas même dans les passages érotiques qui savent éviter les stéréotypes : c’est animal parfois, cru souvent mais jamais racoleur.

Au final Le syndrome d’Ulysse est un des ces romans qu’on n’a pas envie de lâcher ; vous savez, ces romans qui vous font arriver un petit peu après tout le monde quand l’heure du dîner a sonné, ou qui vous font sortir sans écharpe par un froid glacial trop captivé que vous êtes pour vous renseigner sur le temps qu’il fait...

Quatrième de couverture

Paris est toujours un merveilleux fantasme pour les jeunes écrivains latin-américains, Esteban vient y étudier la littérature, mais il y découvre aussi la pluie, le froid, la solitude et la plonge dans le sous-sol d’un restaurant coréen. Il rencontre d’autres émigrés, coréens, marocains, latino-américains, roumains, africains, tous porteurs d’une histoire qu’ils nous racontent avec sincérité. Tous jeunes, désespérés, inventifs et sans le sou, ils trouvent le salut dans leur solidarité, leur amitié, et se raccrochent à l’unique chose qui leur prouve leur humanité : le sexe. A travers lui, ils se retrouvent égaux et peuvent croire un instant que tout peut changer.
Esteban est un amoureux maladroit, sincère et volage, qui souffre de la jalousie et de l’abandon tout en pratiquant avec enthousiasme une vie érotique échevelée et drôle qui le conduira à ce pour quoi il est venu à Paris, l’écriture

Romancier traitant avec une infime tendresse ses personnages ballottés dans un monde de misère et de désespoir, Santiago Gamboa se place à l’ombre de Henry Miller pour nous raconter avec distance et un humour exceptionnel ces jours tranquilles dans un Paris moderne au coeur de la mondialisation.
Un roman prenant, juste, plein d’énergie vitale, et magnifiquement écrit.

Santiago Gamboa est né à Bogota en 1966. Journaliste, il a vécu en Espagne, en Italie et en France. Il est actuellement attaché culturel de la Colombie à l’Unesco. Il est l’auteur de Perdre est une question de méthode, Les captifs du lys blanc et Esteban le héros.

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