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Les Immémoriaux : un traité anthropologique

Les aspects anthropologiques des Immémoriaux montrent bien que Segalen est à la recherche de la réalité des autres peuples. Le regard sur l’autre humanité n’est pas fixé sur l’apparence. C’est en effet une recherche approfondie sur la culture du peuple Maori. D’un point de vue documentaire, il s’agit de montrer au lecteur l’essence de la civilisation polynésienne. Celle-ci se fonde sur le langage oral : elle n’est pas arrivée au stade de l’écriture.

Ainsi, nous voyons l’enjeu que représente l’oralité pour ce peuple pour qui,comme le dit Henry Brouillier in Victor Segalen, Paris, Mercure de France, 1961,p.102 : "Le langage est le grand mainteneur de toutes les cultures" . De plus, l’histoire racontée dans Les Immémoriaux dépasse le traditionnel récit de voyage. Il ne s’agit plus seulement de satisfaire le lecteur en lui racontant une histoire exotique. Il s’agit de l’interpréter, de l’analyser, mais aussi de la poétiser par le travail sur l ’écriture.

Enfin, Les Immémoriaux s’approchent d’un traité anthropologique parce que Segalen s’est fait une règle très stricte, de ne pas verser dans une construction purement conventionnelle où imaginaire et de recouvrir le plus possible à des tests offrant toutes les garanties de la vérité.

PRECISIONS TECHNIQUES
Le souci de précision répond à celui d’être le plus réel possible. Les Immémoriaux, pour Segalen, n’est pas un simple récit exotique. Il le place parmi les ouvrages anthropologiques de son époque. De plus, il mit quatre ans à terminer le livre. Ce long intervalle de temps s’explique par la nature de l’ouvrage. Le professeur Lejeal, le compagnon de voyage du Havre à New York, avait conseillé à Segalen de faire des recherches ethnographiques de s’enquérir du folklore, des coutumes et des mythologies polynésiennes. Ainsi, il commence des enquêtes approfondies.

Segalen, pour écrire Les Immémoriaux se fie aux expériences techniques d’autres personnes. La longue lettre à Farrère du 2 août 1906 soumet à ses connaissances nautiques les pages de la seconde partie et l’interroge sur la vraisemblance et la correction des voyages et des manœuvres prêtés à Paofî et Térii.

Le père Thomasson lui formule des réflexions sur les doctrines religieuses, surtout sur les protestantes qui figurent dans le livre.

Segalen fait également des recherches dans les ouvrages importants sur l’Océanie. Il travaille sur les divers témoignages de voyages depuis Le voyage de Bougainville jusqu’aux ouvrages publiés tout au long du XIXième siècle. Les meilleurs exemples restent les récits de Cook. Segalen étudie les analyses des missionnaires anglais protestants comme Williame Ellis ou les analyses plus laïques de Moerenhout, P. Huguenin et Quatrefages. Les ouvrages de mythologie, de philosophie et de philologie sont mis à contribution : non seulement ceux qui ont directement trait à la pensée et à la langue polynésienne mais aussi ceux qui exposent et commentent d’autres phénomènes. Le Védanta, par exemple, où beaucoup trouvent une parenté spirituelle avec les croyances professées par les Maoris.

Un ensemble donc d’ouvrages qui permettent à Segalen, grâce à des regroupements et des confrontations de serrer de plus près une vérité historique qu’il veut exprimer. J.M. Gautier montre dans un article intitulé "les Immémoriaux de Victor Segalen et leurs sources anglaises (Revue de Littérature Comparée, janvier 1952) où, en fait, il n’étudie que les informations puisées dans le grand ouvrage de William Ellis : polynesian Researches , que Segalen n’avance rien touchant des mœurs, les coutumes, les croyances maories, qui ne soit étayé par des références sérieuses et précises.