À partir d’un sujet sur La Boétie

... En s’appuyant sur les notions principales du sujet… et en trouvant d’autres notions plus pertinentes que tu utiliseras dans tes deuxièmes et troisièmes parties.

Deux fondamentaux :

=> il faut, tout au long du devoir, bien montrer que tu traites le sujet, que tu ne dis pas de généralités sur l’œuvre. Dans la dissertation, tu ne fais pas étalages de tes connaissances. Tu utilises tes connaissances pour réfléchir à la question qui t’est posée.

Un autre point très important : il est nécessaire de bien connaitre l’œuvre pour pouvoir s’y référer assez explicitement. Sinon tu fais du blabla dans le vide !

Comprendre la démarche du plan :

Partie 1 Thèse du sujet (idée qu’il défend, explication des notions qu’il contient à la lumière de l’œuvre).
Partie 2 : Nuances et limites (le sujet dit effectivement quelque chose de vrai sur l’œuvre, mais son point de vue est limité).
Partie 3 : Dépassement conceptuel : là tu fais intervenir d’autres notions que tu as trouvées et qui te semblent bien plus pertinentes pour répondre au problème posé par le sujet. (Donc tu ne fais pas un exposé sur l’œuvre, Ok ?!!)

Voici comment procéder concrètement :

Selon La Boétie, les hommes sont responsables de leur propre servitude. Peut-on dire que la servitude relève d’abord un choix ?

1/ Décompose le sujet en te posant quelques questions simples :

Questions :
1. Quel est le thème de ce sujet ? (La responsabilité des hommes dans leur servitude volontaire chez La Boétie.)
2. Quel paradoxe met-il en évidence ? (Les hommes se soumettent eux-mêmes.)
3. Quel est le verbe directeur du sujet ? Qu’implique-t-il ? (« relever d’un choix » → question de la responsabilité.)
4. Quelle affirmation cachée le sujet contient-il ? (Important pour faire ta première partie) : les hommes sont responsables de leur propre servitude, ils la choisissent.
5. Quelles questions cachées le sujet pose-t-il ? (Le peuple choisit-il vraiment ? La liberté est-elle possible ? À quelle condition un choix libre est-il possible ? Dans quelle mesure peut-on être pleinement responsable de ses choix et de ses actes ?)

2/ Trouver une problématique claire

Critères :
Forme interrogative
Paradoxe visible
Pas de paraphrase du sujet
Nuance introduite
L’introduire de préférence par « dans quelle mesure » car cela ouvre la discussion.

Définitions des mots clés :

Essaye, au brouillon, de dire le maximum de choses possibles sur les mots-clés.

1. Pour « responsabilité » on peut dire par exemple :

Dans le sens courant, être responsable signifie être à l’origine d’une action ou d’une situation et devoir en répondre devant soi-même ou devant les autres. Dire qu’une personne est responsable implique qu’elle a joué un rôle causal et qu’on peut lui attribuer moralement ou juridiquement les conséquences de ses actes. La responsabilité suppose un acte (ou une omission), un auteur identifiable, des effets produits et l’obligation de répondre de ce qui a été fait. Elle peut être morale, juridique, politique ou personnelle.
Pour qu’une responsabilité soit reconnue, il faut généralement que la personne ait agi en connaissance de cause, avec une certaine liberté, que ses actes soient liés aux conséquences observées et qu’on puisse les lui imputer. Ainsi, parler de responsabilité revient toujours à s’interroger sur le degré de conscience et de liberté de l’auteur dans ce qui est advenu.

On confronte cette notion de responsabilité avec le sujet de dissertation et le Discours de la servitude volontaire :

Le sujet dit : « les hommes sont responsables de leur propre servitude ».
• Cela veut dire : les hommes ne sont pas seulement victimes d’un tyran extérieur.
• Ils participent eux-mêmes, par leurs actes (obéir, flatter, collaborer),
au système qui les écrase.
• On sous-entend qu’ils auraient pu agir autrement (refuser, résister).

Donc tout l’enjeu de la dissertation va être de demander :
• Sont-ils pleinement responsables, s’ils sont manipulés, habitués, éduqués à obéir ?
• Leur responsabilité est-elle totale, partielle, ou très limitée ?

On examine ensuite la notion de « choix » :

Choisir, au sens courant, consiste à se trouver face à plusieurs possibilités, à réfléchir à leurs avantages et à leurs conséquences, puis à décider d’en retenir une plutôt qu’une autre. Un choix implique donc une délibération suivie d’une décision et de sa mise en œuvre par l’action. Il ne s’agit pas d’un simple réflexe, mais d’un acte conscient et relativement libre. Pour être véritablement libre, le choix suppose l’existence d’alternatives réelles, une information suffisante et l’absence de contraintes excessives. Lorsqu’une de ces conditions manque, le choix devient illusoire. Enfin, on distingue le choix individuel, qui engage une personne, et le choix collectif, qui résulte de l’addition de décisions individuelles.

Chez La Boétie, il y a l’idée d’un choix collectif de servitude :
• pas forcément conscient,
• mais répété, prolongé, entretenu par les comportements de chacun.

Le sujet demande :
« Dans quelle mesure peut-on dire que la servitude relève d’abord d’un choix ? »
• On se demande si la servitude est :
• le résultat d’un choix libre (les hommes préfèrent la servitude),
• ou d’un faux choix, fabriqué par l’habitude, l’éducation, la peur, les récompenses.

Chez La Boétie :
• Il y a bien l’idée d’un choix :
« Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres » → il suffirait de décider.
• Mais ce choix de servir est affaibli par :
• l’habitude : les hommes naissent dans la servitude,
• le conditionnement : culture, éducation, spectacles,
• les intérêts : petits privilèges, hiérarchie des complices (pyramide).

Donc, dans la dissertation, on montrera :
• que « choix » au sens fort (libre, lucide, délibéré) ne convient pas entièrement,
• qu’il faut peut-être parler plutôt d’illusion de choix ou de choix conditionné.

Reformuler le sujet en problématique

À partir du sujet, on va proposer une ou deux questions problématisées.
La question doit contenir une tension (paradoxe, nuance).
Par exemple :
Comment comprendre que les hommes consentent eux-mêmes à leur propre oppression ? Ce consentement est-il un choix libre ou une illusion produite par l’habitude ?
Ou encore : Dans quelle mesure peut-on affirmer que la servitude est un choix libre ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un choix illusoire influencé par l’habitude et la manipulation ?

PLAN DÉTAILLÉ

Introduction

Accroche : La Boétie révèle un paradoxe politique majeur : les hommes acceptent eux-mêmes la domination qu’ils subissent.

Sujet reformulé : Dans le Discours de la servitude volontaire, il affirme que les hommes sont responsables de leur servitude, celle-ci relevant d’un véritable choix humain.

Problématique : Dans quelle mesure peut-on affirmer que la servitude est un choix libre ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un choix illusoire influencé par l’habitude et la manipulation ?

Annonce de plan :
Dans un premier temps, nous montrerons que La Boétie présente la servitude comme un choix humain et une responsabilité.
Dans un second temps, nous nous interrogerons sur les conditions de possibilité d’un choix responsables et sur ce qui peut lui faire obstacle.
Enfin, dans un troisième temps, nous montrerons que l’illusion et le conditionnement dans lesquels les hommes sont plongés permet de comprendre pourquoi les tyrannies sont toujours en place. Ce point de vue implique l’urgence d’un développement de la conscience politique chez les peuple soumis à la tyrannie.

I – La servitude comme choix : une responsabilité humaine

A. La servitude repose sur le consentement du peuple
1. La domination n’est pas seulement imposée par la force.
2. Les hommes nourrissent eux-mêmes le tyran : richesses, travail, obéissance.
3. Citation clé : « Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres » → la servitude est réversible par une décision humaine.

Idée-force : si les hommes peuvent renverser la servitude par un choix, c’est qu’ils participent à son maintien par un autre choix.

B. La responsabilité collective explique la puissance du tyran
1. Le tyran n’a aucune force propre : sa puissance vient de la multitude.
2. La Boétie décrit une pyramide d’obéissance où chacun soutient le pouvoir par intérêt.
3. Donc, dire que les hommes sont responsables correspond à la thèse du texte : ils obéissent volontairement.

Citations : « vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, plus dur, et qu’il vous tienne la bride plus courte : et de tant d’indignités, que les bêtes elles-mêmes ne sentiraient point ou n’endureraient pas, vous pourriez vous en délivrer, sans même tenter de le faire, mais seulement en essayant de le vouloir. Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez ni vous l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez comme un grand colosse, dont on ôte la base, tomber de son propre poids et se briser.. ».

C. Une responsabilité installée dans le temps
1. La servitude est ancienne : elle s’est installée progressivement.
2. Les hommes ont développé une paresse morale : ils préfèrent obéir que lutter pour la liberté.
3. L’habitude confirme le sujet : la servitude repose sur un choix répété, devenu naturel.

Idée-force : La Boétie développe l’idée d’une forme de responsabilité humaine dont les hommes n’ont pas conscience.

Transition

→ Cependant, ce « choix » n’est pas un choix libre et lucide. La Boétie montre qu’il est profondément influencé, voire fabriqué.

II – Le choix : une réalité à nuancer

A. Le choix suppose la conscience : or l’habitude empêche de penser
1. Être responsable implique de savoir ce que l’on fait.
2. L’habitude du latin habitus, qui signifie manière d’être développée par l’éducation. L’habitude, chez Aristote, c’est ce qui résulte de répétition, par exemple la prudence, le courage, la vertu. Tout cela s’acquière par la pratique répétée. Citation La Boétie « l’habitude, qui, en toutes choses, exerce un si grand empire sur toutes nos actions, a surtout le pouvoir de nous enseigner à servir » : elle remplace la réflexion. l’habitude est « plus forte que la nature même, qui nous incline à vouloir être libre, l’habitude renforce et impose la soumission, à tel point que c’est la servitude qui devient naturelle »
3. La servitude paraît normale aux hommes → le choix n’est pas parfaitement libre.

Idée-force : Habitude = déformation du choix, elle transforme en décision ce qui relève du réflexe social.

B. Le choix suppose la liberté : or les hommes sont manipulés
1. Pour choisir, il faut connaître les alternatives.
2. Les hommes sont trompés : éducation, spectacles, récompenses, flatterie.
3. Le tyran crée des désirs artificiels qui orientent le peuple : les tyrans veulent « efféminer » (ramollir) leur sujet en mettant à leur disposition des jeux et des divertissements : « les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres, drogues de cette espèce étaient pour les tyrans anciens, les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les instruments de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, cet allèchement, était ce qu’avaient les anciens tyrans pour endormir, leur sujet dans la servitude. Ainsi, les peuples, abrutis, trouvant beaux tous ces passe-temps, amusés d’un vain plaisir qui les éblouissait, s’habituaient à servir aussi niaisement, mais plus mal encore que les petits enfants, qui, parce qu’ils voient les luisantes images des livres enluminés, apprennent à lire. Les tyrans romains renchérirent encore sur ces moyens, en offrant souvent des banquets aux hommes, des décuries (troupe de 10 soldats romains), abusant, comme il fallait cette canaille, qui se laisse aller plus qu’à tout autre chose, au plaisir de la bouche. »

Idée-force : Un choix dirigé est-il un choix ?

C. Le choix individuel est écrasé par un système politique
1. La servitude est entretenue par une hiérarchie de dépendances.
2. Chacun tient à sa petite place : intérêts privés contre liberté collective.
3. Le système réduit drastiquement la liberté réelle.

Idée principale : Chacun dépend de quelqu’un et se tient à ses privilèges.

Transition

→ Le choix est donc une notion insuffisante, parce qu’elle masque deux réalités centrales chez La Boétie : l’illusion partagée et le conditionnement social.

III – Illusion et conditionnement : mieux comprendre la servitude

A. La servitude repose sur une illusion collective
1. Les hommes s’illusionnent : ils croient que le tyran est plus fort et plus légitime qu’il ne l’est.
2. L’illusion n’est pas un choix personnel, mais une croyance sociale.
3. Cette illusion rend la servitude acceptable et durable.

Idée-force : La servitude survit parce que le peuple croit qu’il n’a pas d’alternative.

B. Le conditionnement social fabrique le consentement
1. Dès l’enfance, les hommes sont éduqués dans la servitude.
2. La servitude est respirée comme une évidence culturelle : on la voit partout.
3. Le choix individuel n’existe presque plus → il est fabriqué par l’environnement.

Idée-force : Le conditionnement est plus profond qu’une décision : il structure l’esprit.

C. Dépasser le sujet initial : du choix au conditionnement
1. Le sujet affirme une responsabilité réelle, mais incomplète.
2. Pour comprendre La Boétie, il faut intégrer le rôle de l’illusion et du conditionnement.
3. La servitude n’est pas seulement un choix, mais une construction collective.

Conclusion partielle : la liberté exige une rupture avec les illusions et une prise de conscience politique.

Conclusion
1. Affirmation du sujet : La Boétie montre que les hommes sont responsables d’une servitude qu’ils pourraient refuser.
2. Nuance : ce choix est affaibli par l’habitude, la manipulation, la peur et l’éducation.
3. Dépassement : les notions d’illusion et de conditionnement expliquent mieux la persistance de la servitude volontaire.
4. Ouverture : La liberté exige non seulement un choix, mais une lucidité capable de briser les illusions collectives.

Plan en version condensée

I. Oui, un choix :
– le peuple soutient le tyran par son consentement : « Soyez résolus… ».
– la force du tyran vient de la multitude.
– la servitude s’est installée par habitude.

II. Un choix illusoire :
– l’habitude rend la servitude naturelle : « l’habitude […] nous enseigne à servir ».
– manipulation par spectacles : « les théâtres… les appâts de la servitude ».
– système de dépendances.

III. Au-delà du choix :
– illusion collective.
– conditionnement social.
– la servitude est une construction culturelle durable.