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A propos de l'auteur

  • Léopoldine Landais

    Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

Accueil || Licence de Lettres || Tocqueville || Comment le goût des jouissances matérielles s’unit, chez les Américains, à l’amour de la liberté et au soin des affaires publiques ?

Alexis de Tocqueville dans ce chapitre XIV, issu de la deuxième partie de La Démocratie en Amérique, traite du passage d’un régime démocratique à une monarchie absolue, retirant de la compétence du peuple, la gestion des affaires publiques.
En effet, le principe même de la démocratie est un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, comme l’énonce notre Constitution. Passer à une monarchie absolue, confie donc les pleins pouvoirs à un monarque qui s’octroie la gestion des affaires publiques.
Le retrait des compétences du peuple en matière publique, se traduit par une concentration, un attrait novateur de celui-ci pour ses affaires privées, caractérisé par une temporaire hausse de la productivité matérielle. Afin d’illustrer cela, Tocqueville cite l’exemple des Florentins, Tyriens et Anglais comme peuples exerçant leur activité productive et commerçante grâce à leur liberté.
Pour Tocqueville, il ne peut y avoir de prospérité matérielle sans liberté : "il y a donc un lien étroit et un rapport nécessaire entre ces deux choses : liberté et industrie".
La liberté du régime politique démocratique autorise à la population à s’associer avec autrui, ce qui permet plus aisément de se procurer des biens que convoite le peuple.
Ainsi, Tocqueville pose la liberté comme base de la production des richesses, comme nous pouvons le remarquer : "La liberté, dans ces siècles, est donc particulièrement utile à la production des richesses". Au contraire, le despotisme lui, en ce qu’il restreint la liberté de la population va de ce fait, nuire à la richesse productive, il est : "directement opposé au génie du commerce et aux instincts de l’industrie".
Les ressortissants d’un Etat démocratique ressentent donc ce besoin de liberté, au moyen duquel ils exercent leurs activités commerçantes, leur permettant de s’approprier "les jouissances matérielles après lesquelles ils soupirent sans cesse".
Tocqueville nous met en garde contre l’aspect obsessionnel du goût pour les jouissances matérielles qui, lorsqu’il est excessif, devient pernicieux puisqu’il détourne le but premier de la convoitise. Afin de démontrer cet argument, Tocqueville pose le problème de l’homme issu d’une société démocratique, victime de l’objet de son avidité comme n’étant plus autodéterminé, ne disposant plus de lui-même et s’abandonnant ainsi à ses envies et désirs qui l’aveuglent.
Les hommes deviennent alors individualistes voire arrivistes :" ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous".
Notre auteur adopte alors un ton ironique, voire satirique afin de dénoncer le désintérêt de l’homme pour la vie politique et son abandon du devoir civil : "ce sont là jeux d’oisifs qui ne conviennent point à des hommes graves et occupés des intérêts sérieux de la vie".
Dans la démocratie, le citoyen est gouverné et gouvernant, or en abandonnant leur rôle actif politique, désigné ici par : "S’agit-il de choisir leur représentants, de prêter main-forte à l’autorité, de traiter en commun la chose commune" faisant écho entre autres à leur droit de vote et de participation aux débats politiques, ils désertent leur qualité de gouvernant et ne conservent plus que celle du gouverné : "la place du gouvernement est comme vide".
Ils délaissent l’intérêt collectif au profit de leur intérêt personnel et individuel. Etant réduit à leur cellule individuelle, la prise de pouvoir par le monarque se fait sans opposition. En agissant ainsi, ils permettent à un "ambitieux habile" de venir s’emparer du pouvoir : la démocratie devenant ainsi une monarchie absolue. Le pouvoir sans limite, absolu du monarque menace la liberté des hommes qui cèdent à la panique : "[...] ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre".
Bien que Tocqueville se pose en tant que défenseur de la liberté et de la démocratie, il nuance son propos en soulignant que la paix publique ne doit pas justifier un désintérêt politique.
L’auteur nous met par ailleurs en garde contre une autre conséquence de cette situation de somnolence de la vie politique des citoyens, caractérisée par l’abandon de leur droits : "Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’il possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes", l’oligarchie, qu’il évoque avec dédain : "le petit nombre de faibles et d’indignes mains dans lesquelles peut tomber un grand peuple".
D’une certaine façon, dans ce chapitre, Tocqueville se félicite du gargantuesque attrait des américains pour les richesses matérielles, quand cet attrait est mûrement réfléchi, ce qui a pu lui éviter de subir la domination d’un tyran au cours des siècles.

Ainsi, les Américains voient en la démocratie la plus grande des garanties de leur bien-être, puisqu’elle leur assure la liberté à laquelle ils tiennent tant, et pour laquelle ils se sont tant battu, qui leur permet de jouir de leurs propriétés matérielles et de s’en procurer d’autres, afin d’alimenter leur bien-être.