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A propos de l'auteur

  • Lisa Lucas

    Étudiante en 3ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

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Étude du chapitre XI du tome 1 de "De la démocratie en Amérique" par Alexis de Tocqueville.
p.185-187

DES EFFETS PARTICULIERS QUE PRODUIT L’AMOUR DES JOUISSANCES MATÉRIELLES DANS LES SIÈCLES DÉMOCRATIQUES

Pages 185 – 187

Tocqueville construit le chapitre de telle manière que le lecteur puisse retrouver une introduction, deux parties de développement, et une conclusion rapide.

L’introduction commence à la ligne 1 et finit à la 7 ; Tocqueville rappelle ce qu’il a dit dans le chapitre précédent (à savoir que « l’amour des jouissances matérielles » entraîne la décadence), en ajoutant tout de même un « Mais » qui instaure une subtilité supplémentaire : il est possible en effet que cette passion matérialiste ait cet effet, mais il existe une autre possibilité. À noter que le mot « matérialisme » n’apparaît que 3 lignes avant la fin du chapitre, dans ce qu’on pourrait appeler la conclusion. Pourquoi seulement à la fin ? C’est tout de même une notion importante de son raisonnement... Peut-être souhaitait-il créer un effet de suspens ou de révélation à la fin de ce chapitre ?

Bref, là commence la première partie de son raisonnement. Il commence par établir une description de cette passion dans une société aristocratique. Plusieurs facteurs peuvent être la cause de cette façon de se borner à la joie de posséder. De même pour la suite du paragraphe où il explique que si les nobles sont écartés des affaires importantes de gérance, ils « retombent alors pesamment sur eux-mêmes », ils cherchent à s’échapper de leur ennui dans les possessions corporelles et/ou matérielles. Les aristocrates utilisent alors leur énergie pour des futilités, cette même énergie qui sera perdue pour le bien-être de chacun. « L’art de s’abrutir » l. 25-26 est une expression antithétique que Tocqueville utilise, sûrement pour montrer l’absurdité de l’obsession de la possession. En observateur il « ose prédire » que la société aristocratique sera toujours moins connue pour ses vertus que pour « l’éclat de ses vices », et c’est sur cette expression que se termine sa première partie, ce qui augmente la portée de ces mots. Le lecteur retiendra plus facilement cette expression car elle est mise en emphase à la fin d’une phrase longue ponctuée de virgules.

La deuxième partie de son raisonnement sur l’amour des jouissances matérielles observe les effets sur le peuple démocratique. Il n’en dit ni mal ni bien, mais constate que les peuples démocratiques sont moins attirés par les rêves démesurés : « l’amour du bien-être s’y montre une passion tenace ». C’est-à-dire que cette passion est pleine de raison et s’appuie sur de petits objets de désir accessibles assez aisément. En effet il précise « une passion tenace, exclusive, universelle, mais contenue » ; ce « contenue » qui s’offre aux lecteurs signifie, en comparaison aux excès aristocratiques, que les citoyens d’Amériques pensent avant tout au bonheur de chacun y compris au leur, mais de manière moins grandiloquente, le bonheur se fait peut-être plus petit, plus réservé, plus personnel. Si bien que « l’âme s’y attache » et que ces petits désirs « viennent quelquefois se placer entre elle [l’âme] et Dieu ». Évidemment on ne pouvait pas parler de bonheur sans parler de religion chez les Américains... L’amour de ces petits objets est aussi néfaste que les désirs de grandeur dans les possessions aristocratique ; désirs aristocratiques qui se retrouvera chez les citoyens les plus aisés, il le « conteste ».

Cependant même les opulents citoyens ne partiront pas dans l’excès de débauche car ils se conforment aux « goûts » du peuple et « croient devoir s’y soumettre ». Cette dernière phrase signifie-t-elle que les citoyens se freinent entre eux ? Ils n’auraient alors aucune libre pensée et seraient contraint par une morale collective, ce que nous pourrons appeler une « norme ». Donc tous les citoyens ne pensent qu’à la « satisfaction de leur moindres besoins » par de petits buts, de petits désirs. Tant et si bien qu’il tombent « dans la mollesse plutôt que dans la débauche ». Ce « plutôt que » signifie-t-il que la mollesse est préférable à la décadence ? Je pense que oui, mais aucun des deux n’est enviable à une société.

Donc Tocqueville met ici en garde contre un aspect négatif de la société démocratique : « ce que je reproche à l’égalité ce n’est pas d’entraîner les hommes à la poursuite des jouissances défendues ; c’est de les absorber entièrement dans la recherche des jouissances permises » (p.187) → l’égalité amène en effet les citoyens à se freiner eux-même et entre eux, si bien qu’il finissent par perdre de vue « ces biens plus précieux qui font la gloire et la grandeur de l’espèce humaine ». D’accord mais qu’elles sont ces biens en questions ? Voilà une question qui reste en suspend dans mon humble cervelle.

Tocqueville conclut donc ce chapitre par ce matérialisme qui amollit les « âmes ».