Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.
Le 2012 par Charlotte ROUSSEL
Soucieux de la société et de son évolution, Alexis De Tocqueville se pose ici en sociologue afin d’étudier la démocratie et ses dérives potentielles.
Il se centre toutefois sur les personnes la gouvernant et nous propose ici un essai argumentatif sur la société de son temps.
En quoi ce texte apporte-t-il un regard neuf et critique sur le régime démocratique et la société de son époque ?
Tocqueville apporte un regard neuf sur son gouvernement et va même à l’encontre des idées reçues : le discours des citoyens ne le « satisfait point » (ligne 57) et ce ne serait donc qu’« en vain » qu’on tenterait de l’y assujettir (ligne 52).
En spécifiant clairement ses opinions, l’auteur ne propose pas ici une discussion mais bien une diatribe visant à convaincre comme nous allons le montrer.
En effet, son discours est largement modalisé et ponctué de métaphores (l’esprit de cour est par exemple un « labyrinthe obscur » aux lignes 64 et 65). Il se veut résolument convaincant : « Je n’ai jamais oui dire » (l.35)afin de condamner par exemple la démocratie et ses pratiques, les gouvernants d’Etats démocratiques étant selon lui « presque toujours en butte à des soupçons fâcheux », donnant « en quelque sorte l’appui du gouvernement aux crimes dont on les accuse » (l.47-49).
Tocqueville use, par ailleurs, de phrases longues, ponctuées d’un grand nombre de virgules et de points virgule afin de structurer sa démonstration.
En quoi cet extrait présente-t-il une dualité omniprésente ?
Tout au long de son essai, Tocqueville ne cessera en effet d’opposer les régimes aristocratique et démocratique et précisera dès le début de ce chapitre qu’il faut clairement « distinguer » (l.2) ces deux notions.
Ces deux régimes sont séparés par des figures d’opposition tels que « tandis que » (l.14) ou « au contraire » à la ligne 21 et évoluent au sein de rythmes binaires.
L’auteur reste ici fidèle à ses sujets de prédilection qui sont l’apport ou non de bien-être de la part de la démocratie et les problèmes que pose un éventuel goût des jouissances matérielles.
Ces deux thèmes s’avèrent en effet mêlés ici puisque la corruption semble toucher les deux partis : alors que l’aristocratie cherche à corrompre autrui sans avoir un goût prononcé pour l’argent, la démocratie serait elle-même corrompue dans son désir perpétuel d’enrichissement, ce qu’il faut « plus redouter encore » selon l’auteur (l.45).
Quels risques la démocratie présente-t-elle ?
Conscient des risques d’une telle organisation, l’auteur en dresse les diverses conséquences. Le peuple serait ainsi, selon lui, lésé au sein des deux partis car si sa moralité est attaquée par le gouvernement aristocratique, sa conscience est, elle, indirectement atteinte par le gouvernement adverse.
Le mal être du peuple reposerait donc essentiellement sur une société porteuse de maux et la démocratie ne serait qu’un système basé sur l’apport monétaire et donc aisément corrompu. Cette corruption est par ailleurs illustrée dans cet essai à travers une large isotopie de l’achat : le gouvernement est « à l’enchère » (l.20), les « hommes à vendre » (l.24) et on en « achète le vote » (l.32) . L’auteur se plaît également à jouer sur les mots et use de diaphore avec les verbes « vendre » et « acheter » qu’il détourne de leur sens initial. Dans une société basée sur les jouissances matérielles, les hommes sont « à vendre » puisqu’ils briguent un poste auprès d’ »acheteurs ». De plus, si la corruption semble aujourd’hui dominer notre société, il est clair qu’on cherche à « acheter trop de monde » (l.25-26).
Un peuple corrompu à l’image de la société ?
Enfin, à l’image de la société dans laquelle ils évoluent, les citoyens s’avèrent corrompus et complexes pour l’auteur et on assiste à un retournement des valeurs appuyé par de nombreux oxymores.
La vertu présenterait ainsi de « dangereux exemples » et le vice des « comparaisons glorieuses » (l.50-51), ce qui semble contradictoire. Mais c’est à la fin de l’essai que nous constatons la complexité du peuple pris entre des « idées de bassesse et de pouvoir, d’indignité et de succès, d’utilité et de déshonneur ». (l.82-84), le rythme ternaire accentuant cette évidente confusion.
Le polyptote des lignes 41-42 (« corrompre »/ « corrompus ») renforce par ailleurs la complexité du peuple et le vice devient pour lui porteur de vérité : s’il se plaît à voler l’Etat il est en effet attristé par les dessous misérables de l’aristocratie par exemple (l.64-70). De plus, si un des citoyens parvient à s’enrichir, cela ne peut être lié qu’à l’un de ses vices pour le peuple qui ne peut accepter son succès (l.80-82).
La démocratie n’est donc pas considérée comme porteuse de biens pour le sociologue Tocqueville mais plutôt comme initiatrice de vices et à l’origine de la déchéance de ses citoyens.
Les jouissance matérielles seraient donc ici directement liées au profit et au vice dans lequel semble se complaire le peuple.