Fondatrice de ce site et auteur de la majorité des articles mis en ligne.
Professeur agrégée et docteur en philosophie.
Le 9 février 2012 par Valérie PEREZ
Analyse du chapitre 2 p. 69-93
Quelle est la méthode, ou quelles sont les méthodes de travail de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique ?
Tocqueville peut être considéré comme un précurseur de la sociologie, mais sur ce sujet, les avis sont partagés.
Il convient donc d’analyser dans ce chapitre d’abord (puis dans le reste de l’oeuvre), ce qui peut faire de Tocqueville un sociologue.
Notons dans un premier temps que Tocqueville réfléchit à l’organisation des sociétés modernes. Il cherche ainsi à déterminer la ou les tendances qui décident de leur organisation. La première de ces tendances, c’est ce mouvement vers l’égalité qui anime les sociétés modernes. Ainsi, Tocqueville observe, décrit et s’interroge : qu’est-ce qu’une société démocratique ? quelles sont les conséquence de ce mouvement vers l’égalité et pourquoi l’égalité peut-elle avoir pour corollaire, paradoxalement, une diminution voire une perte de la liberté ?
Après la révolution de 1830, Tocqueville prend conscience de ce mouvement, en France, vers la démocratie et l’égalité. Observant alors en Amérique une démocratie qui marche plutôt bien, il veut convaincre son pays, et surtout les conservateurs, qu’une souveraineté du peuple est possible.
Il s’agit donc, à partir du deuxième chapitre de s’intéresser aux points suivants :
* comment il justifie le choix d’étudier l’Amérique : sur ce point, voir aussi le Tome 1 de l’édition Folio p. 240 :" Les États-Unis d’Amérique n’ont pas donné le premier et unique exemple d’une confédération etc."
* son travail d’historien (notamment les sources qu’il cite p. 78-84) ;
* la formulation du paradoxe suivant : « ce mode de colonisation si favorable à la liberté » (p. 81) ;
* quelle organisation politique favorise-t-il p. 72 ?
* quelle analyse fait-il du sol américain p. 73 => à rapprocher de ce que Rousseau dit de la propriété dans le Contrat social.
1. Reformulez l’idée principale de Tocqueville ?
Tocqueville dans un premier temps nous parle des origines de l’homme permettant de définir l’individu, puis dans un second temps, il calque son raisonnement sur le développement des nations.
En effet Tocqueville souligne l’influence d’un point de départ sur l’avenir d’une société. Selon l’auteur, il est important de se fier aux origines des nations qui « se ressentent toujours de leur origine », puisque les nations se voient imprégnées et marquées par leurs expériences, celles-ci leurs permettant de se former.
2. Quelle phrase dans le troisième paragraphe de la p.70 résume cette idée ?
« Ainsi s’expliquerait la destinée de certains peuples qu’une force inconnue semble entraîner vers un but qu’eux-mêmes ignorent ».
3. Comment justifie-il son choix d’étudier l’Amérique ?
Tocqueville choisit d’étudier l’Amérique car il s’agit du « seul pays où l’on ait pu assister aux développements naturels et tranquilles d’une société ».
Peut-être faut-il s’interroger sur ce que Tocqueville entend par « développements naturels et tranquilles d’une société » ? Peut-être est-ce parce que selon lui il assiste à la naissance d’une démocratie, dans un pays neuf ? D’où l’intérêt d’étudier l’Amérique, du fait de sa nouveauté. Tocqueville considère que l’Amérique est un pays qui s’est construit sans aucune autre influence que la sienne.
4. Quelle organisation politique Tocqueville favorise-t-il ? Pourquoi ?
Tocqueville fait l’éloge d’une démocratie qui tend vers la liberté, cependant dans ce chapitre Tocqueville évoque le « gouvernement communal » et les associations dont le principe se base sur l’idée des communes. Ce principe souligne la nécessité des citoyens à agir les uns pour les autres. Tocqueville souhaite mettre en valeur la responsabilité des citoyens.
5. Comment explique-t-il la démocratie en Amérique ?
L’idée de démocratie selon Tocqueville comprend un peuple uni par les mêmes volontés, les mêmes projets. La démocratie nécessite aussi une bonne gestion de l’équilibre entre la liberté et l’égalité assurant alors l’harmonie de la nation.
6. Quelle analyse fait-il du sol américain ?
Tocqueville qualifie ce sol de « terre rebelle » et aborde la notion de propriété, dans le sens de la possession, notamment grâce à l’exemple des propriétés transmises de manière héréditaire. La transmission des biens à caractère héréditaire diffère de l’idée démocratique puisqu’il s’agit d’un système où l’individu doit gagner sa vie pour acquérir ce qu’il désir.
7. Quelles sont les deux-trois idées principales qui aujourd’hui forment les bases de la théorie sociale des Etats-Unis ?
D’une part, l’égalité est une vertu primordiale, en effet selon l’exemple de Tocqueville elle permettait aux émigrants Anglais de se placer sur un même pied d’égalité : « ni grands seigneurs ni peuple et pour ainsi dire, ni pauvres, ni riches ». D’autre part il est nécessaire pour la nation d’avoir un but social commun, il faut que les citoyens soient unis par la même volonté.
8. Expliquer l’expression « pieux aventuriers ».
Il s’agit d’un groupe d’homme cité par Tocqueville représentant les émigrants ayant fuit leur terre principalement à cause des lois trop contraignantes : « ils appartenaient à cette secte d’Angleterre à laquelle l’austérité de ses principes avait fait donner le nom de puritaine ». Ces religieux virent en l’Amérique « une terre (…) abandonnée du monde » un endroit où fonder et exercer une société à leur image.
9. Dans quelle mesure Tocqueville est-il un historien ?
Tocqueville peut être considéré comme un historien dans la mesure où il cite les faits du passé pour expliquer le présent, en étant toujours très précis : la présence des dates, des descriptions, des témoignages. Cependant l’auteur adopte aussi la casquette de sociologue puisqu’il met un point d’honneur à vouloir étudier les origines d’un pays dans le but de comprendre les mœurs de l’Amérique. C’est pourquoi Tocqueville qualifie se texte de la « clé de presque tout l’ouvrage ».
Pourquoi ce chapitre constitue-t-il « la clef de presque tout l’ouvrage » (p.71) ? Quelle est la méthode employée par Tocqueville ? En quoi est-il un sociologue et en quoi est-il historien ?
Tout d’abord, Tocqueville s’interroge sur l’origine d’une société. Selon lui, pour comprendre une société, il est essentiel de remonter à son origine, à sa création. En effet, « les peuples se ressentent toujours de leur origine »(p,70) elle reste toujours la même, seulement, elle évolue, à travers des expériences, des changements subis, tels qu’une révolution. La société garde toujours des traces de ce qu’elle était avant ces expériences., qui l’ont simplement forgée. Une société pour Tocqueville constitue une masse d’individus, qui partagent un idéal commun.
Tocqueville explique pourquoi il a décidé d’étudier l’Amérique. Selon lui, c’est le « seul pays » qui a réussi à se construire de manière individuelle, sans l’influence de cultures diverses. Son point de départ est « naturel et tranquille ». La découverte de ce pays s’est effectuée de manière tardive, les sociétés qui le composaient ont donc eu le temps de prospérer, d’évoluer de manière sereine. Une culture, ainsi qu’une identité commune était déjà présente. C’est pourquoi ce pays, était intéressant à étudier d’un point de vue historique, social, culturel...
A la page 72, Tocqueville favorise une démocratie portée sur la liberté, « ce germe fécond des institutions libres ». Il évoque ici, sans soulever le terme de manière explicite, le "gouvernement communal" dans lequel l’individu serait pousser à agir dans l’intérêt d’une communauté. Cette organisation politique permettrait de mettre en parallèle les termes de liberté et égalité des hommes. Cette conception est appelée par Tocqueville "liberté démocratique".
Tocquville effectue une analyse du sol américain, il qualifie ce sol de « terre rebelle » et insiste particulièrement sur l’idée de possession, de propriété transmise héréditairement. Il assimile à ces terres l’idée de fortune et de partage de ces terres, le seul lieux libre où les classes sociales seraient mixtes et où l’aristocratie ne prônerait pas. Tocqueville estime qu’une société est aristocratique dès lors que la propriété foncière se transmet de façon héréditaire. Ce mode de fonctionnement diffère donc de la démocratie où les citoyens acquièrent les terres grâce à leur travail. Nous pouvons mettre en parallèle l’analyse que fait Tocqueville du sol américain page 73, avec la notion philosophique de propriété abordée par Rousseau dans Le contrat social selon laquelle « le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la vie civile » (chap. IX).
L’expression utilisée par l’auteur « pieux aventuriers » est est originaire du concept puritain. Tocqueville utilise cette expression car les puritains furent les premiers à avoir posé les pieds sur ces terres. Ils se nommaient les « pilgrims ». Leur but était de créer une patrie fertile dans laquelle il était possible de pratiquer leur religion librement. Dès lors, ils quittèrent leurs terres natales pour fonder une société à leur image, c’est-à-dire fondée sur la religion.
Dans ce chapitre, Tocqueville se dévoile en véritable historien car il livre des éléments très précis. Ses sources sont fiables, ce qui démontre un énorme travaille de recherches, principal travail de l’historien.
effet, pour souligner ses propos, il mentionne des dates, des chiffres, des lieux. « vers la fin du XVI ème siècle » ou encore « fonder une colonie sur les rives de l’Hudson. (p.78).
De plus, pour souligner ses propos, il évoque des auteurs, tels que son confrère Nathaniel MORTON, lui-même historien. En tant qu’historien, l’auteur utilise le passé pour expliquer le présent. En plus d’être historien, Tocqueville est sociologue puisqu’il cherche à comprendre le caractère de l’amérique.
Ce chapitre deux (Folio Tome 1) représente "la clef de presque tout l’ouvrage" (p.71) puisque Tocqueville met en lumière sa démarche d’historien et de sociologue qui lui a permis de réaliser l’étude de la démocratie en Amérique.
P. 69 / 70 → carrière, reformuler l’idée principale.
Tocqueville assimile la naissance d’une société à celle d’un nouveau né. La façon dont ils sont nés et ce qu’ils on vécu étant jeunes influence le reste de leur vie, au même titre que la naissance d’une civilisation et ses débuts influencent ce qu’elle sera plus tard.
Quelle phrase résume cette démarche ?
→ « il se passe quelque chose d’analogue chez les nations. Les peuples se ressentent toujours de leur origine. Les circonstances qui ont accompagné leur naissance et servi à leur développement influent sur tout le reste de leur carrière ».
Comment justifie-t-il son choix d’étudier l’Amérique ?
→ Tocqueville justifie son choix de l’Amérique en tant que modèle de démocratie par le fait que ce pays s’est accompli avec tranquillité et à son rythme. C’est la façon dont cette société s’est mise en place qui influence son évolution.
P. 72 → quelle organisation politique favorise-t-il ? Pourquoi ?
→ Les institutions libres sont, selon l’auteur, la base de la démocratie. Les émigrants arrivant sur ces nouvelles terres, avaient en eux le germe de la démocratie, d’une part parce qu’ils n’avaient pas émis l’idée d’une quelconque supériorité les uns sur les autres (les gens étaient en principe, égaux) , et d’autre part, cette idée d’égalité vient du fait qu’il n’existe pas de notion de supériorité entre les hommes pauvres.
Les associations sont une solution, car par le fait même, le citoyen est obligé d’agir pour les autres. Ce dernier est obligé d’agir dans l’intérêt de la communauté.
Comment explique-t-il la démocratie en Amérique ? Quel mot fait le lien avec l’idée de départ ?
→ comme le démontre Tocqueville, ce ne sont pas les gens riches et sans troubles qui viennent investir le nouveau monde, mais plutôt les hommes en quête d’une nouvelle vie, qui souhaitent laisser derrière eux la pauvreté et les malheurs dont ils ont été victimes. Ils espèrent une nouvelle vie. Il n’existe donc pas de hiérarchie dans une communauté où les gens ont le même vécu et la même situation. C’est cette pauvreté, cet espoir qui instaure naturellement un équilibre, une égalité, donc a priori jette les bases de la démocratie.
P. 73 → quelle analyse fait-il du seul américain ?
→ L’auteur aborde ici le concept de propriété foncière. Après une vie sous le signe de la hiérarchie et des inégalités dans son pays d’origine, le nouvel américain investit le territoire américain avec l’espoir de ne pas revivre son passé. Un domaine est donc attribué à un homme, il en devient propriétaire et le cultive à sa guise.
P. 75 → quelles sont les 2 / 3 idées principales qui forment les bases de la théorie sociale aux USA ?
→ Ces deux ou trois idées principales ont vu le jour dans les États de la Nouvelle-Angleterre et se sont ensuite étendues à l’ensemble du continent américain. Les peuples immigrés étaient égaux dans le sens où « il ne se trouvait ni grands seigneurs, ni peuple, et, pour ainsi dire, ni pauvres ni riches » (p.75-76). il n’y avait pas de hiérarchie, donc pas d’obligations envers une personne, un seigneur, un ’’dominant’’. Tous partaient d’un même point, avec les même ressources. La plupart de ces gens voulaient « faire triompher une idée » (P. 76), mettre à profit et faire l’expérience de leurs lumières.
La notion de la religion tient également une part importante. En effet, dans leur partie mère, les idéaux religieux ont été blessés, les pèlerins étaient persécutés. C’est dans le but de se consacrer librement à leur religion qu’ils ont cherché un territoire vierge de toute influence religieuse.
P. 76 → expliquer l’expression ces pieux aventuriers.
→ La doctrine puritaine est le socle de cette expression. En effet, les pilgrims (c’est ainsi qu’ils se nommaient eux-même) partaient totalement à l’aventure, sans être sur d’arriver à bon port De plus, c’était, comme nous l’avons dit précédemment, dans le but de pratiquer leur religion librement, qu’ils partirent de leur pays natal. Ils se sont dirigés vers des terres inconnues, sans savoir réellement ce qui les attendait là-bas, mais avec pour seule pensée de se créer une patrie où ils seraient libres, notamment dans le choix de leur religion.
P. 78 / 79 → dans quelle mesure est-il un historien ?
→ Tocqueville peut être considéré comme un historien dans la mesure où il livre des éléments précis, tel que les chiffres : « les émigrants étaient au nombre de cent cinquante à peu près » (P. 78). il parle également avec précision des lieux et des desseins des émigrants : « leur but était de fonder une colonie sur les rives de l’Hudson » (P. 78). en bon historien, l’auteur explique le présent par le passé, particulièrement lorsqu’il parle du rocher qui est « devenu objet de vénération aux États-Unis » et dit en avoir vu des fragments P. 78. enfin, Tocqueville, pour appuyer ses dires, évoque des auteurs, tels que Nathaniel MORTON, lui-même historien.
L’individu naît avec ses qualités et ses défauts, avec ’’ le germe des vices et des vertus ’’. Dès la naissance jusqu’à ce qu’il devienne adulte, il est déjà doté de ’’ préjugés, habitudes et passions ’’ : ses sentiments sont à l’état brut.
Tocqueville s’intéresse de près au modèle américain car selon lui : ’’ l’Amérique est le seul pays où l’on ait pu assister aux développement naturels et tranquilles d’une société ’’ : il montre l’influence d’un point de départ sur l’avenir. Il a pour projet d’observer une démocratie qui fonctionne afin de convaincre ses contemporains.
Le succès de la démocratie est bâti sur le développement des communes et associations ’’ germe fécond des institutions libres ’’. En effet, le gouvernement communal prévoit l’obligation des citoyens à prendre en charge leurs intérêts généraux afin que l’état puisse intervenir le moins possible. Les individus possèdent ainsi des responsabilités pour améliorer leur confort collectif.
La démocratie en Amérique est un modèle de société, qui selon Tocqueville, est fondée sur la volonté de chaque individu. En effet, ’’ les français, espagnols et tous les européens ’’ venus s’installer sur ’’ la mère patrie ’’ ( le continent américain) sont le fruit d’un ’’ germe d’une complète démocratie ’’. C’est grâce à cette fusion des cultures et des hommes entre eux que la liberté s’exprime véritablement. C’est pourquoi, le mot ’’ germe ’’ est très important. Il serait ici, comme une première pousse d’un mode de vie et de penser que l’on planterai dans le sol américain pour devenir ensuite ’’une plante’’. Cette dernière symboliserait la ténacité de chacun à implanter la démocratie.
Une fois ce travail fait, qu’en advient-il du partage des biens territoriaux ? Comment donner à chacun ce qui lui est dû ? Y a t-il un fonctionnement bien spécifique pour déterminer les terres des citoyens ?
Le concept des propriétés rentre en ligne de compte. Celui-ci stipule que ’’ les privilégiés seuls ’’ en bénéficient lors de la transmission héréditaire des terres. Ainsi, le droit de propriété peut s’appliquer aussi bien à ’’ des pauvres ’’ qu’à ’’ des riches ’’ : l’aristocratie n’a alors aucune exclusivité en ce qui concerne les biens territoriaux.
Les colonies du sol américain avaient donc ’’ un grand air de famille ’’ où l’on voyait se former le nouveau visage d’une Amérique démocratique.
Un ’’ spectacle nouveau ’’ s’est également monté en ce qui concerne ’’ les deux ou trois idées principales qui aujourd’hui forment les bases de la théorie sociale des États-Unis ’’. Cette formulation employée par Tocqueville, est approximative. Elle révèle en réalité, la sphère collective qui s’est fondée en Nouvelle-Angleterre dans ses débuts. En effet, ce qu’entend l’auteur par ’’ les bases de la théorie sociale ’’ réside dans le fondement initial de l’individu sur le sol américain. Ce n’était que ’’ des hommes sans éducation et sans ressources ’’ ou ’’ des spéculateurs avides et des entreprises d’industrie ’’. A cette époque, on pouvait observer ’’ un singulier phénomène d’une société ’’ que l’on peut désigner ’’d’archaïque’’ où les individus étaient sur le même pied d’égalité ; ’’ ni grands seigneurs, ni peuple, et, pour ainsi dire, ni pauvres, ni riches ’’.
Ensuite, que sont devenus les émigrants ? Y a t-il eu, tout de même, des divergences sociales qui font que chaque individu est différent des autres ?
Un groupe d’hommes est cité par Tocqueville : ’’ ces pieux aventuriers ’’. Ces derniers sont de fervents croyants qui faisaient partis des puritains en Angleterre. Ici, l’auteur fait un rapprochement entre les individus et les lois. Selon lui, le puritanisme serait davantage une théorie politique : ’’ théories démocratiques et républicaines ’’ qu’une ’’ doctrine religieuse ’’. Parallèlement aux propos de Tocqueville sur ce sujet, le puritanisme était, à l’époque du nouveau monde, fondé sur la base du courant calviniste qui prônait la souveraineté de Dieu dans tous les domaines. Ils étaient perçus tels des hors la loi ; alors on les éloigna pour qu’ils puissent s’adonner à ’’ vivre à leur manière et d’y prier Dieu en liberté ’’.
Aussi, afin d’interpréter son discours de façon justifiée et équilibrée, Tocqueville endosse son rôle initial : celui de l’historien. C’est en s’appuyant sur les propos de son confrère Nathaniel Morton qu’il commence désormais à citer des sources et des lieux :’’ Delft-Haleft’’, ’’ les rives de l’Hudson ’’ … mais également des auteurs et des dates : ’’ ceci se passait en 1620 ’’, ’’ vers la fin du XVI ème siècle ’’ … Son travail d’historien s’attache à communiquer l’histoire et à raconter des faits passés : d’ailleurs, il l’exprime ouvertement lui même : ’’ ces faits doivent être connus ’’.
Ce chapitre deux du tome 1 De la Démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville, est le plus important selon l’auteur car il expose sa démarche historico-sociologique qui lui a permis de réaliser l’étude de la démocratie en Amérique. Il considère ce chapitre comme ’’la clef de presque tout l’ouvrage’’ ( p71).
Tocqueville révèle son principe méthodologique pour étudier un pays. Il procède dans un premier temps à l’étude de l’individu, puis ensuite à celle de la société pour enfin se consacrer au cas particulier de l’Amérique. ( p69-70). L’auteur pour comprendre le présent et prévoir l’avenir d’un pays, analyse d’abord le passé, le point de départ des individus qui l’habitent.
Il résume sa démarche par une phrase à la page 70 :’’s’il nous était possible de remonter jusqu’aux éléments des sociétés et d’examiner les premiers monuments de leur histoire, je ne doute pas que nous ne puissions découvrir la cause première des préjugés, des habitudes, des passions dominantes, de tout ce qui compose enfin ce qu’on appelle le caractère national.’’ et une à la page 71 : ’’ Lorsque, après avoir étudié attentivement l’histoire de l’Amérique, on examine avec soin son état politique et social, on se sent profondément convaincu de cette vérité : qu’il n’est pas une opinion, pas un habitant, pas une loi, je pourrais dire pas un événement, que le point de départ n’explique sans peine.’’.
Tocqueville justifie alors son choix d’étudier l’Amérique par le fait que c’est l’unique pays où l’on puisse remonter jusqu’au point de départ, jusqu’aux origines de la société et ainsi étudier l’influence de celles-ci sur l’avenir des États.
Selon l’auteur, l’organisation politique qui favorise le plus la démocratie est le gouvernement communal qu’il qualifie de ’’ germe fécond des institutions libres’’ qui instaure un dogme de la souveraineté du peuple (p 72).
Tocqueville explique la démocratie en Amérique par la colonisation successive du territoire par des peuples européens qui contenaient le ’’germe d’une démocratie complète’’ et qui ont donc amené l’idée de lois et d’égalité (p 72).
De plus, le sol américain semble naturellement défavorable à l’aristocratie territoriale (p 73). En effet, la terre cultivée ne pouvait profiter à la fois aux propriétaires et aux fermiers, ce qui a contraint les propriétaires à travailler eux-mêmes leurs terres. Cela entraînait un morcellement héréditaire de la propriété foncière et empêchait l’instauration d’une véritable aristocratie basée sur une supériorité acquise dès la naissance.
« Les deux ou trois idées principales qui forment [aujourd’hui] les bases de la théorie sociale aux Etats-Unis » sont apparues dans les États de la Nouvelle-Angleterre et se sont ensuite étendues à l’ensemble du continent américain. Tocqueville précise que dans ces états, « il ne se trouvait ni grands seigneurs, ni peuple, et, pour ainsi dire, ni pauvres ni riches ». (p.75-76). Il met en exergue l’égalité de départ entre les individus venus peupler le territoire américain ainsi que leur liberté ce qui forme les bases de la théorie sociale. L’auteur affirme que les pèlerins venus peupler la Nouvelle Angleterre ont abandonné leur pays pour trouver un territoire en quelque sorte primitif sur lequel se réunir et ’’faire triompher [leurs idées puritaines]’’ à la fois démocratiques et républicaines.
Tocqueville nous livre ainsi sa conception d’une société : le regroupement d’un ensemble unis de personnes autour d’une même volonté, d’une même idée.
Il qualifie les pèlerins de ’’ pieux aventuriers ’’ à cause du fait qu’ils ont quitté leurs pays pour partir à l’aventure, en terre inconnue, pour se créer un nouvel avenir, pour fonder une nouvelle société, basée sur leur doctrine puritaine, leurs idéologies communes, telle ’’ la semence d’un grand peuple que Dieu vient déposer de ses mains sur une terre prédestinée’’ (p 77).
Tocqueville allie un travail de sociologue et d’historien dans ses analyses de l’Amérique.
En effet, il utilise de nombreuses citations de l’historien Nathaniel Morton, ’’ l’historien des premières années de la Nouvelle-Angleterre ’’ (p.77). Il étudie, observe et analyse l’origine des États, leur point de départ, pour comprendre le présent et ce en étudiant à la fois les données historiques mais aussi législatives concernant le départ des pèlerins et leur arrivée sur le continent américain ainsi que les lois, règles et contrats sociaux qu’ils ont établi pour fonder leur société.
Il étudie l’histoire, les individus, l’établissement de la société pour ensuite analyser l’Amérique.
Tocqueville ne se contente pas de citer les propos de l’historien Nathaniel Morton, il s’en sert, s’appuie sur ceux-ci, sur des dates précises, des lieux détaillés pour donner une vision exhaustive et précise des origines et pour retracer l’histoire du départ et de l’arrivée des ’’pieux aventuriers’’ tel un historien ( p78-79).
Il expose entre autre les différents mode de colonisation à la page 81, et affirme que celui mis en pratique dans la Nouvelle-Angleterre est le plus propice à la liberté : ’’ Ce mode de colonisation, si favorable à la liberté’’. Ceci peut sembler paradoxale puisque la colonisation consiste à l’occupation et l’exploitation d’un territoire par une métropole étrangère. Cela implique la mise sous tutelle et la domination politique, culturelle, religieuse et économique des populations du territoire colonisé, qui est alors soumis à la patrie mère étrangère ce qui conduit à l’assujettissement de ses habitants.
Dans son principe, la colonisation paraît donc contraire à la liberté. Or l’auteur met en évidence qu’il existe plusieurs modes de colonisation de degrés différents. Dans certains cas, le pouvoir de gouverner la colonie est donné un gouverneur choisi par le roi qui ’’ administre en son nom et sous ses ordres immédiats’’ ; dans d’autres cas, il est donné à un homme ou plusieurs individus choisis toujours sous le contrôle du roi et dans ces deux systèmes, le pays est sous l’emprise totale de la mère patrie. Il existe en revanche un système en Nouvelle-Angleterre, défendu par Tocqueville, qui confère une plus grande liberté aux habitants des colonies. Ceux-ci peuvent organiser eux mêmes leurs sociétés, s’administrer eux mêmes sous l’obligation de ne pas enfreindre les lois et principes de la mère patrie. C’est ce mode de colonisation, qui constitue selon l’auteur, le système le plus respectueux de la liberté, liberté qui est l’un des principes fondamentaux de de la démocratie américaine.
C’est au cours de son séjour aux Etats-Unis qu’Alexis de Tocqueville a le projet de construire et de développer le concept de société démocratique. En effet, il cherche à travers des observations minutieuses sur le terrain et des recherches historiques à dégager les caractéristiques fondamentales de cette forme de société ainsi que ses limites.
Dans le chapitre II du tome I de la Démocratie en Amérique, Tocqueville met en parallèle l’importance de l’origine de l’homme et d’une société. En effet, adoptant une démarche sociologique, notre auteur part d’un cas particulier, celui de l’individu à un cas plus général, celui des sociétés. Pour cela, il s’appuie de ses recherches sur la société américaine. Selon lui, c’est dans les premiers instants d’éveil de la conscience que se situent les causes mêmes des actions futures de l’homme car celui-ci : "est pour ainsi dire tout entier dans les langes de son berceau" (page 70). En observant ses premiers instants, on doit être à même de comprendre ce qu’il adviendra de son caractère futur puisque : "les circonstances qui ont accompagné leur naissance et servi à leur développement influent sur tout le reste de leur carrière" (page 70).
Cette démarche est analogue à son analyse des sociétés, il est primordial de connaître l’origine d’un peuple ou son mythe fondateur pour comprendre son organisation politique et sociale. Tocqueville affirme ce propos par : "les peuples se ressentent toujours de leur origine" (page 70). Ainsi, l’étude de la naissance d’une société d’après notre auteur donne lieu de : "découvrir la cause première des préjugés, des habitudes, des passions dominants, de tout ce qui compose enfin ce que l’on appelle le caractère national" (page 70) et d’apporter des améliorations au fonctionnement de la démocratie française.
D’après Tocqueville, "L’Amérique est le seul pays où l’on ait pu assister aux développements naturels et tranquilles d’une société, et où il ait été possible de préciser l’influence exercée par le point de départ sur l’avenir des Etats" (page 70). En effet, il justifie son choix d’étudier l’Amérique par le fait que ce pays est unique dans son fonctionnement et que plus qu’un langage, les émigrants partageaient un but commun : bâtir une démocratie dans un monde nouveau : "Toutes les nouvelles colonies européennes contenaient, sinon le développement, du moins le germe d’une complète démocratie" (page 72).
Tocqueville favorise le gouvernement communal comme organisation politique et le définit à la page 72 comme : "le germe fécond des institutions libres." L’utilisation de cette métaphore filée accentue l’idée que les citoyens sont obligés d’œuvrer les uns avec les autres afin d’entretenir une unité au sein des communes. L’individu n’agit plus pour lui seul, mais se met au service de l’intérêt commun en favorisant ainsi le développement de la liberté et de la démocratie. Tocqueville met en évidence l’universalité des émigrants lors de leur venue sur le territoire américain, notamment les émigrants anglais. L’accent est mis sur leur éducation politique où la notion des droits et des principes de liberté apparaît plus que chez les autres peuples d’Europe. L’auteur montre alors la démocratie en Amérique comme une organisation fondée sur le principe de l’égalité des hommes, car aucun d’entre eux : "n’avaient aucune idée de supériorité quelconque les uns sur les autres" et que tous ont émigré afin de fuir le "malheur" ou bien la "pauvreté". Les émigrants sont donc égaux entre eux d’autant plus que : "tous les émigrants parlaient la même langue ; ils étaient tous enfant d’un même peuple".
L’organisation de la société s’explique tout d’abord par les individus qui la constituent et qui la font évoluer. Pout Tocqueville, la société n’est pas seulement un agrégat d’individu mais l’union d’hommes mus d’un même projet concret pour la nation. On retrouve cette idée à la page 76 où les émigrés avaient le désir de "faire triompher une idée" et ainsi fonder leur propre société.
Tocqueville analyse aussi le sol américain en abordant le concept de la "propriété foncière héréditairement transmise" mais qui témoignerait d’un problème sociétal. En effet, la propriété foncière est à l’origine d’un certain désordre dans la société où l’appropriation des terres s’effectuait de manière arbitraire, ainsi : "le sol américain repoussait absolument l’aristocratie territoriale." Le goût prononcé pour la possession des aristocrates est incompatible au travail nécessaire d’une terre aride, difficile voire "rebelle", qui n’est pas assez productive pour nourrir un propriétaire foncier et un ouvrier agricole ; elle est morcelée "en petits domaines que le propriétaire seul cultivait."
Tocqueville, à la page 75 parle de "deux ou trois idées principales qui aujourd’hui forment les bases de la théorie sociale des Etats." Quelles sont donc ces deux ou trois idées principales ? Notre auteur affirme que c’est : "dans les colonies anglaises du Nord, plus connues sous le nom d’Etats de la Nouvelle Angleterre, que se sont combinées les deux ou trois idées principales." Les pèlerins ou émigrants "n’étaient ni riches ni pauvres, "ni grands seigneurs, ni peuple". Ils avaient une bonne éducation et respectaient l’ordre et la morale mais le plus important pour eux c’était d’avoir le même but : "faire triompher une idée". Cette même idée n’était-elle pas les prémices d’une démocratie ? En effet, ces principes ont servi de modèle aux autres Etats et se sont répandus sur tout le continent américain.
Le terme : "pieux aventuriers" désigne les émigrants d’Angleterre appartenant à la secte austère du puritanisme. Ce dernier rassemble aussi des théories démocratiques et républicaines. D’après Tocqueville : "les puritains cherchèrent une terre si barbare et si abandonnée du monde, qu’il fût encore permis d’y vivre à sa manière et d’y prier Dieu en liberté" (page 76). Il décrit ainsi les puritains en quête d’une nouvelle terre, en confortant son propos avec la citation de Nathaniel Morton, affirmant que c’est un peuple "élu" par Dieu pour s’établir en terre promise.
Dans ce chapitre II, Tocqueville étudie à la fois le contexte social, économique, politique et religieux. Il mentionne un grand nombre de date comme : "ce qu’il se passait en 1620", "Dès 1828", "vers la fin du XVIème siècle", "1er mai 1660", "le Code de 1650" mais il indique également des lieux géographiques avec : "Plymouth", "la Nouvelle Angleterre", Hudson", "Providence", "New-Haven". Il cite également l’historien Nathaniel Morton à de nombreuses reprises et fait référence à des textes religieux tel le "Deutéronome", "l’Exode", "Le Lévitique". En effet, c’est par la précision des sources historiques que notre auteur établit ses qualités à la fois d’historien, de sociologue et de philosophe. Il revient sur les évènements du passé afin d’expliquer le présent, c’est en quelque sorte une démarche généalogique. Ainsi, Tocqueville, par un projet directeur observe ce qu’est une démocratie, en prévient les limites et les dérives possibles.
Landais Léopoldine
Analyse accompagnée.
Dès le début de ce chapitre, Tocqueville parle de l’individu et des se origines. Il explique que c’est grâce à ses origines que l’ont peut définir un individu. Puis il applique cette analyse aux « nations ». En effet son principe méthodologique est donc de trouver le point de départ d’une société pour ensuite proposer plusieurs possibles d’avenir. Il choisit l’Amérique pour mettre en pratique cette analogie car il est « le seul pays où l’on ai pu assister aux développements naturels et tranquilles d’une société, et où il ait été possible de préciser l’influence exercée par le point de départ sur l’avenir des Etats ». Il explique ici que les États-Unis est un pays jeune, qu’il a vu naître et se développer. Par conséquent, son principe méthodologique s’applique parfaitement : « Lorsque, après avoir étudier attentivement l’histoire de l’Amérique, on examine avec soin son état politique et social, on se sent profondément convaincu de cette vérité : qu’il n’est pas une opinion, pas une habitude, pas une loi, je pourrais dire pas un événement, que le point de départ n’explique sans peine. » Tocqueville considérait ce chapitre comme fondamental pour comprendre la suite de son œuvre et donc cette notion centrale de « point de départ » : « Ceux qui liront ce livre trouveront donc dans le présent chapitre le germe de ce qui doit suivre et la clef de presque tout l’ouvrage. »
Tocqueville favorisait l’organisme politique du gouvernement communal apporté par les anglais en Amérique. Cet organisme est le point de départ de la démocratie en Amérique. Ce sont donc les colonies européennes qui l’ont apporté : « Toutes les nouvelles colonies européennes contenaient, sinon le développement, du moins le germe d’une complète démocratie. » Le mot « germe » apporte bien l’idée de point de départ. Selon lui une civilisation est donc avancée quand elle peut s’analyser elle-même, quand elle a une histoire commune. Et l’histoire de l’Amérique commence par ses colonies, ces gens qui ont quitté « une position sociale regrettable et des moyens de vivre assurés » pour « faire triompher une idée ». C’est la définition de la société selon Tocqueville, les habitants d’une même société doivent avoir un idéal commun. Le sol Américain à leur arrivée est un « désert » et chacun va s’approprier une propriété. Ce qui a formé « les bases de la théorie sociale des États-Unis », c’est tout d’abord une origine des habitants, hétérogène mais pourtant réunis : « des hommes sans éducation et sans ressources […] ou des spéculateurs avides et des entrepreneurs d’industrie ». Ensuite, il n’y a pas de hiérarchie : « il ne se trouvait ni grands seigneurs, ni peuple, et, pour ainsi dire, ni pauvres, ni riches », ceux qui franchissent le sol Américain deviennent tous égaux.
Les « pieux aventuriers » désignent ces puritains a la foi rigoureuse, persécutés par le gouvernement de leur société, ces « pèlerins » ont émigré vers la Nouvelle-Angleterre en quête d’une « terre si barbare et abandonnée du monde, qu’il fût encore permis d’y vivre à sa manière et d’y prier Dieu en liberté ». Selon Tocqueville, ces puritains ont trouvé une terre pour s’y établir et étendre leur religion librement. Ce sont des aventuriers car ils quittent leur terre natale pour une terre inconnue et déserte.
Selon l’historien Nathaniel Morton, son travail est de mettre par écrit, de décrire le plus précisément possible, les évènements, les émotions qui touchent à la migration des pèlerin afin que les générations futures sachent d’où ils viennent, où est leur point de départ.
« Ce mode de colonisation [est] si favorable à la liberté » parce que chaque personne présente en Nouvelle-Angleterre, y est parce que c’est son choix. De plus le mode de fonctionnement de la colonie favorise chacun de ses habitants, en effet, les modes de gouvernements sont divers et sont un choix pour chaque colonie.
Alexis DE TOCQUEVILLE – De la démocratie en Amérique - Tome I, Première partie, Chapitre II « Du point de départ et de son importance pour l’avenir des anglo-américains » (pages 69 à 93).
1. Reformuler l’idée des pages 69 et 70. Quel principe méthodologique Tocqueville utilise-t-il ?
Dans le Chapitre II, dès le début, Tocqueville développe une idée principale concernant la société : il veut trouver le point de départ de celle-ci. Selon lui, tout ce qui constitue et définie une nation découle de son origine, de son commencement, de sa naissance, tout comme les premiers instants d’un homme le façonnent pour le reste de sa vie. La phrase qui résume cette idée est la suivante « il n’est pas une opinion, pas une habitude, pas une lois, je pourrais dire pas un évènement, que le point de départ n’explique sans peine » (page 71).
Pour développer cette idée, l’auteur utilise ici un principe méthodologique en plusieurs temps. Tout d’abord, il part de l’individu, une sorte d’exemple d’un « homme qui vient à naître », jusqu’à ce que « le germe des vices et des vertus de son âge mur » se forment en lui. Ensuite, il s’adresse directement au lecteur dans un troisième temps en l’invitant à « examiner l’enfant » (page 69) et explique que « l’homme est pour ainsi dire tout entier dans les langes de son berceau ». Dans un quatrième paragraphe il applique cette démonstration aux « nations » en général, et donc à la société. Enfin, il prend l’exemple particulier de l’Amérique pour illustrer cette idée de la société.
2. Comment justifie-t il le choix d’étudier l’Amérique ?
Il justifie son choix d’étudier l’Amérique par le fait qu’elle soit « le seul pays » (page 70) où la société s’est développée tranquillement et naturellement, où le point de départ soit évident et où il est donc aisé de remonter à son origine, entre autres car c’est un pays neuf. Tocqueville ajoute que la société Américaine est une civilisation avancée car elle peut s’analyser elle-même, en particulier car son histoire est récente : « ils étaient déjà arrivés à ce degré de civilisation qui porte les hommes à l’étude d’eux même » (page 71).
De plus, aux la pages 240-241, Tocqueville distingue la confédération américaine de toutes les autres confédérations bien que celle-ci y « ressemble en apparence » car « le gouvernement fédéral, chez ces différents peuples, est presque toujours resté débile et impuissant, tandis que celui de l’Union conduit les affaires avec vigueur et facilité ».
3. Quelle organisation politique favorise-t-il ?
Tocqueville favorise l’organisation politique du « gouvernement communal, ce germe fécond des institutions libres » (page 72). Il encourage donc la commune et l’association.
Il explique la démocratie en Amérique par le fait que tous les pays européens venus s’y installer partaient les bases de la « démocratie complète » (page 72).
Le mot qui fait le lien avec l’idée de départ est « germe » (page 72).
4. Qu’est-ce qu’un société pour Tocqueville ?
Une société pour Tocqueville, plus qu‘un assemblement, une masse d’individus, est le fait qu’ils partagent un idéal commun. Ils ont un point commun qui est une idée, malgré les différences de situations et de classes. Ils ont ensuite une histoire et des lois communes qui en découlent.
5. Quelle analyse fait-il du sol américain ?
Dans l’analyse que fait Tocqueville du sol américain page 73, nous retrouvons la notion philosophique de propriété abordée par Rousseau dans Le contrat social selon laquelle « le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la vie civile » (chap. IX). En effet, on note que « le sol américain » rejette « l’aristocratie territoriale » selon Tocqueville, c’est-à-dire que le propriétaire devient le seul cultivateur de sa terre, rejetant toute notion d’hérédité et donc l’aristocratie. L’analyse du sol américain selon Tocqueville est donc qu’il répond à une « liberté bourgeoise et démocratique ».
6. Définir le travail de l’historien (pages 78 à 84).
Un historien est une personne qui étudie ou communique sur l’histoire. Il a pour tâche de rapporter des faits passés, de les catégoriser, puis d’en proposer une interprétation équilibrée et justifiée par des sources. C’est exactement ce que fait Tocqueville dans son ouvrage De la démocratie en Amérique. Dans le chapitre qui nous intéresse, Tocqueville retrace l’histoire des États-Unis à travers de longues citations de l’historien Nathaniel Morton qu’il explique avec par exemple « Nathaniel Morton, l’historien des premières années de na Nouvelle-Angleterre, entre ainsi en matière » (page77), de lois, des dates : « ceci se passait en 1620 » (page80) et des lieux précis.
7. Le texte justifie l’expression paradoxale « ce mode de colonisation si favorable à la liberté » (page 81).
Cette expression est justifiée par le fait que « les colonies anglaises […] ont toujours joui de plus de liberté intérieure et de plus d’indépendance politique que les colonies des autres peuples ; mais nulle part ce principe de liberté ne fut plus complètement appliqué que dans les États de la nouvelle Angleterre » (page 80). En effet, contrairement au principe général de colonisation européenne selon lequel la colonie dépend exclusivement de la mère patrie et lui obéit, en Amérique, un certains nombre d’émigrants eurent le droit de « se gouverner aux même » (page 81). De plus, « les nouveaux habitants, sans nier la suprématie de la métropole, n’allèrent pas puiser dans son sein la source des pouvoirs, ils se constituèrent eux mêmes ». Ce mode de colonisation si favorable à la liberté » s’explique par la fait que « le gouvernement voyait sans peine cette émigration nombreuse. Il la favorisait même de tout son pouvoir, et semblait s’occuper à peine de la destinée de ceux qui venaient sur le sol américain » (page 80).
Pourquoi ce chapitre constitue-t-il « la clef de presque tout l’ouvrage » (p.71) ? Quelle est la méthode employée par Tocqueville ? En quoi est-il un sociologue et en quoi est-il historien ?
Tocqueville applique l’image du nouveau-né à la nation. En effet, « les peuples se ressentent toujours de leur origine » (p.70). Son travail est d’étudier l’histoire des États-Unis, ce nouveau pays, afin d’expliquer son système et son organisation, mais aussi ses mœurs et son caractère. A l’aide de méthodes d’historien et de sociologue, Toqueville cherche à comprendre les « habitudes », les « passions » et les « préjugés » de l’Amérique (p.70). Sa démarche se trouve résumée en une phrase : « il n’est pas une opinion, pas une habitude, pas une loi […] que le point de départ n’explique sans peine » (p.71). Les États-Unis sont le « seul pays » dont on peut étudier les origines. Il représente donc un intérêt pour un intellectuel comme Tocqueville qui cherche à comprendre les phénomènes sociétaux et à expliquer les dérives des systèmes politiques.
Dans ce chapitre, ainsi que dans l’ensemble de l’œuvre, quelle organisation politique Tocqueville favorise-t-il ? « Le gouvernement communal » permet la véritable « souveraineté du peuple » (p.72). Il est « le germe fécond des institutions libres » car il suppose l’implication des citoyens dans la société. Le mot « germe », fréquemment employé dans De la démocratie en Amérique, renvoie au principe méthodologique de Tocqueville qui s’applique à étudier le « point de départ ». Cependant, ce terme est aussi utilisé pour signifier les dangers et les dérives de la démocratie, les « germes de troubles » et de maux (p.80). Ce terme médical évoque le diagnostic qu’effectue l’auteur.
Ce chapitre permet à Tocqueville de donner sa définition de la société. Il s’appuie sur l’exemple de la Nouvelle-Angleterre, où il y avait une « grande masse de lumières » et « ni pauvres, ni riches » (p.76). Cette région a apporté des « éléments d’ordre et de moralité ». Contrairement au sud du pays où les « chercheurs d’or […] les industriels et les cultivateurs » sont venus pour s’enrichir (p.74), les colons de la Nouvelle-Angleterre répondaient à un besoin « purement intellectuel » ; ils « voulaient faire triompher une idée » (p.76). Cet idéal commun serait ce qui fonde véritablement une société. Ces « idées principales […] forment aujourd’hui les bases de la théorie sociale des États-Unis » (p.75).
L’aristocratie est fondée par « la propriété foncière héréditairement transmise » (p.73). Qu’en est-il du sol américain ? Quelle analyse Tocqueville en fait-il ? Aux États-Unis la terre est morcelée « en petits domaines que le propriétaire seul cultiv[e] ». Ce fonctionnement de la propriété en Amérique « repouss[e] absolument l’aristocratie territoriale » et privilégie un système démocratique.
Les colons de la Nouvelle-Angleterre étaient de « pieux aventuriers » (p.76). Comment Tocqueville justifie cette expression ? Les anglais qui ont émigré dans cette région de l’Amérique appartenaient à une « secte » austère : le puritanisme. Ils étaient des « aventuriers » en quête d’une terre « abandonnée du monde » où ils pourraient « prier Dieu en liberté ». Tocqueville appuie son propos par le texte d’un historien « des premières années de la Nouvelle-Angleterre » (p.77) : Nathaniel Morton. Dans son témoignage celui-ci expose son « devoir » envers Dieu « d’apport[er] sa vigne dans le désert ». Le puritanisme est « presque autant une théorie politique qu’une doctrine religieuse » (p.79), où « les mœurs étaient encore plus austères et plus puritaines que les lois » (p.85). Cet élément est d’une importance cruciale pour comprendre et expliquer les « mœurs et l’état social » de l’Amérique.
La citation de Nathaniel Morton permet de mettre en parallèle le travail d’historien de Tocqueville. Il s’appuie sur des textes, des « faits » et des dates : « Ceci se passait en 1620 » (p.80), « Dès 1628 une charte […] fut accordée par Charle I° » (p.82).
Comment Tocqueville justifie-t-il l’expression paradoxale suivante : « ce mode de colonisation si favorable à la liberté » (p.81) ? Cette affirmation paraît aujourd’hui paradoxale car elle exclue le traitement fait aux natifs américains. Dans son ouvrage Tocqueville n’en parle pas, la colonisation étant très peu contestée au XIX° siècle. Elle était un élément positif. Lorsque Tocqueville parle de la liberté que la colonisation favorise, il se place du point de vue des colons anglais. Ils ont eux une grande liberté dans l’organisation politique qu’ils créent. « Ils se constituèrent eux-mêmes » (p.82). « Ils se gouvernent eux-mêmes […] sous le patronage de la mère patrie » (p.81). Les citoyens font « à chaque instant […] acte de souveraineté ». L’étude des origines de l’Amérique met en évidence cette liberté accordée aux citoyens et leur auto-gestion. Cependant Tocqueville annonce le reste de son œuvre en nuançant son propos : « les anciennes couleurs de l’aristocratie » transpercent parfois sous la « couche démocratique » (p.93).
Ce chapitre instaure la méthode de travail de l’auteur. Il est historien car il reprend avec précision les faits et s’attache à étudier les origines d’un pays. Il est sociologue car son but est de comprendre les mœurs et le caractère de l’Amérique. En cela ce chapitre peut constituer « la clef de presque tout l’ouvrage ».
Alexis de Tocqueville, après avoir réalisé une description géographique très précise du continent américain dans le premier chapitre intitulé « Configuration extérieure de l’Amérique du Nord », se consacre à l’analyse de la notion de société dans le deuxième chapitre « Du point de départ et de son importance pour l’avenir des anglo-américains ».
D’emblée, on peut se poser plusieurs questions. Pourquoi Tocqueville a-t-il fait le choix de se focaliser sur les anglo-américains, en quoi se distinguent-ils des autres peuples ? Quelle est la particularité constituée par l’Amérique ?
Tocqueville va commencer par exposer le principe méthodologique nécessaire pour mieux comprendre l’histoire d’une société. Pour ce faire, il donne l’exemple d’un individu « un homme » dont il observe l’évolution. Il établit alors un lien avec la société qu’il met en parallèle. Ces deux citations témoignent du point commun qui relie l’individu et la société et montre l’importance de l’origine : « L’homme est pour ainsi dire tout entier dans les langes de son berceau. » tout comme « Les peuples se ressentent toujours de leur origine. » (p.70) L’utilisation de l’adverbe « toujours » vient confirmer l’incontestabilité du point de départ. L’idée qui en ressort est que le point de départ, c’est-à-dire l’origine, s’avère déterminante et influence dès lors la suite des choses ; c’est ici que se trouvent les réponses à nos questions. Ainsi, cela permet d’expliquer l’état politique mais aussi social d’une nation et de mieux appréhender l’évolution des mœurs et des usages des peuples. Toutefois, Tocqueville établit une opposition et pose un constat sur le fait que les nations en sont venues trop tard à s’analyser et donc à revenir en arrière sur leur commencement. Par là, le temps ayant fait son effet, la vérité des faits s’est alors retrouvée quelque peu détournée. Il illustre son principe méthodologique en l’appliquant à l’Amérique, qui pour lui est « le seul pays où l’on ait pu assister aux développements naturels et tranquilles d’une société, et où il ait été possible de préciser l’influence exercée par le point de départ sur l’avenir des États. » (p.70) Dès lors, on peut se demander comment justifie-t-il son choix d’étudier l’Amérique ?
Tocqueville souligne l’universalité des émigrants venus constituer le territoire par la répétition des termes « même » et « tous » qui les relie les uns aux autres, les ressemblances prenant le dessus sur leurs différences. L’accent est mis sur leur éducation politique où la notion des droits et des principes de vraie liberté apparaissent bien plus présents que chez d’autres. On peut alors remarquer qu’il favorise le gouvernement communal comme organisation politique, qu’il définit comme le « germe fécond des institutions libres. » (p.72) Il y ajoute la notion de démocratie qu’il va questionner tout au long du chapitre : « Toutes les nouvelles colonies européennes contenaient, sinon le développement, du moins le germe d’une complète démocratie. » (p.72) Cela est complété par la liberté et l’égalité qui vont de pair avec l’instauration de ce nouveau régime et qui caractérisent les émigrants. Tocqueville analyse aussi le sol américain qui est pour lui « la propriété foncière héréditairement transmise », éloigné de l’aristocratie territoriale. Cependant, une question peut être posée : pourquoi les prémices de la démocratie sont-elles apparues plutôt en Amérique qu’ailleurs ?
Nous avons donc vu que Tocqueville distingue nettement l’Amérique des autres pays. Dans cette optique, il est intéressant de se reporter un peu plus loin dans son ouvrage au chapitre VIII « De la constitution fédérale » où il est question également de sujet politique. Il s’attache à différencier la confédération fédérale des États-Unis d’Amérique des autres constitutions fédérales. Effectivement, bien que la confédération américaine ressemble en apparence aux autres confédérations, elle s’en éloigne car elle repose « sur une théorie entièrement nouvelle, et qui doit marquer comme une grande découverte dans la science politique de nos jours. » (p.241) Tocqueville conclut sur le fait que le gouvernement américain s’avère être un gouvernement national incomplet.
Pour revenir à l’analyse de notre chapitre, Tocqueville traite ensuite de deux colonies bien distinctes, bien qu’intégrées à la famille anglo-américaine. Il s’agit de la Virginie, première colonie anglaise et de la Nouvelle-Angleterre. On peut alors s’interroger sur les raisons qui ont poussées Tocqueville à choisir de citer ces deux colonies. Que présentent-elles de particulier qui les rendent importantes à ses yeux ? En quoi sont-elles différentes ? Tocqueville, par l’exemple de la Virginie, introduit le thème de l’esclavage qu’il dénonce vivement. De plus, il oppose les émigrants venus s’installer en Virginie dans le seul but du profit, et ceux de la Nouvelle-Angleterre, de très bonne éducation, qui s’exilaient volontairement par besoin intellectuel. Alors que Tocqueville se contente de passer très brièvement sur la colonie de la Virginie, la description de la Nouvelle-Angleterre s’étend sur plusieurs pages et se démarque par son caractère mélioratif. Voici comment Tocqueville la conçoit : « La civilisation de la Nouvelle-Angleterre a été comme ces feux allumés sur les hauteurs qui, après avoir répandu la chaleur autour d’eux, teignent encore de leurs clartés les derniers confins de l’horizon. » (p.75) Cette citation témoigne des bénéfices apportés par cette colonie où il est précisé que c’est là « que se sont combinées les deux ou trois idées principales qui aujourd’hui forment les bases de la théorie sociale des États-Unis. » (p.75) Cela démontre le rôle non négligeable apporté par cette colonie et sa participation importante. Tocqueville emploie une expression qui mérite d’être élucidée, il parle de « ces pieux aventuriers » au bas de la page 76. Cela a pour signification les émigrants puritains qui se sont établis en Amérique. Par ces termes, il signale l’entreprise dont ils ont fait preuve, en quittant leur patrie pour en trouver une autre où ils pourraient exercer librement leur culte. Tocqueville vient confirmer ses propos en incluant quelques extraits de New-England’s Memorial écrit par l’historien Nathaniel Morton. L’évocation de ces sources historiques montre l’important travail réalisé par l’auteur de De la démocratie en Amérique pour nous livrer une description très précise des faits. C’est dans cette mesure qu’on peut qualifier sa démarche de travail comme étant à la fois historique et à la fois sociologique.
Pour conclure, on peut reprendre une phrase de Tocqueville lui-même qui informe ses lecteurs sur la portée de ce deuxième chapitre « Ceux qui liront ce livre trouveront donc dans le présent chapitre le germe de ce qui doit suivre et la clef de presque tout l’ouvrage. » (p.71)
Ce chapitre deux (Folio Tome 1) représente "la clef de presque tout l’ouvrage" (p.71) puisque Tocqueville dévoile sa démarche d’historien et de sociologue qui lui a permis de réaliser l’étude de la démocratie en Amérique.
a) Tocqueville introduit l’idée d’une étude des sociétés, « des nations », qui s’appuierait sur l’origine de leur existence. Cette démarche est analogue à celle de l’étude des êtres humains : il observer et analyser l’homme à sa naissance, car « l’homme est pour ainsi dire tout entier dans les langes de son berceau ». Ainsi, il propose une démarche sociologique qui consisterait à envisager dans un premier temps l’individu, pour s’intéresser ensuite à la société, et au cas particulier de l’Amérique.
L’auteur justifie sa démarche par l’hypothèse ; « s’il nous était possible de remonter jusqu’aux éléments des sociétés et d’examiner les premiers monuments de leur histoire, je ne doute pas que nous ne puissions découvrir la cause première des préjugés, des habitudes, des passions dominantes, de tout ce qui compose enfin ce qu’on appelle le caractère national. » (p.70).
Tocqueville justifie son choix d’étudier l’Amérique par la singularité qu’offre le pays. L’Amérique étant un pays nouvellement fondé, les sociologues ont pu observer et analyser sa naissance et son développement. Ils ont pu prévoir en quelque sorte l’avenir des états en s’attachant à l’étude de la naissance de l’Amérique. L’auteur, par sa démarche, a finalement démontré l’influence d’un point de départ sur l’avenir, l’Amérique a servi de modèle à cette étude puisque comme il le rappelle, « L’Amérique est le seul pays où l’on ai pu assister aux développements naturels et tranquilles d’une société, et où il ait été possible de préciser l’influence exercée par le point de départ sur l’avenir des Etats » (p.70).
Tocqueville, par l’emploi de la métaphore du « germe fécond des institutions libres » (p.72), favorise le gouvernement communal et par extension les associations. La métaphore filée qui évoque le « germe d’une complète démocratie », souligne l’idée que les citoyens sont contraints d’agir les uns pour les autres pour permettre la cohésion à l’intérieur des communes – entités indépendantes de l’Etat. Si l’auteur promeut autant les communes, c’est parce qu’elles placent l’intérêt de la communauté avant toute chose ; l’individu se met alors au service de l’intérêt général et permet ainsi le développement de la démocratie et de la liberté.
Tocqueville explique la démocratie en Amérique du fait que les peuples qui sont venus s’installer, quels qu’ils soient, étaient porteurs d’idéologies communes. Cette unité d’esprit relève d’une évolution des idées en opposition aux « querelles religieuses » et aux « luttes intellectuelles ». Ainsi, le départ vers l’Amérique fut vécu comme l’espoir d’un « nouvel avenir », il n’y avait aucune idée de supériorité des uns sur les autres mais une réelle volonté de former une société égalitaire ; une égalité que l’on observait déjà chez ces exilés en proie à la pauvreté et au malheur (p.72).
La phrase « Tous ces traits généraux de la nation se retrouvaient plus ou moins dans la physionomie de ceux de ses fils qui étaient venus chercher un nouvel avenir sur les bords opposés de l’Océan » (p.72) fait le lien avec l’idée principale ; L’organisation de la société s’explique dans un premier temps par les individus qui la constituent et qui la font évoluer. Le mot « physionomie » insiste particulièrement sur ce corollaire puisqu’il se rapporte ici à la fois aux émigrés et aux caractéristiques de la nouvelle société américaine. En effet, la société pour Tocqueville n’est pas la simple réunion d’êtres humains mais l’alliance d’hommes mus par la même idée, par le même projet.
On retrouve cette idée (p.76) avec l’idée que les émigrés étaient animés d’une même volonté de « faire triompher une idée » et pour se faire, ils fondèrent leur société sur des « éléments d’ordre et de moralité » importés d’Europe. Ainsi, on en conclut que la société est née à partir d’idéologies qui ont influencé son développement ; c’est en observant ces doctrines et en les analysant qu’il a été possible d’appréhender l’avenir des Etats d’Amérique.
Tocqueville s’intéresse au concept de la propriété foncière qui pose un réel problème dans les sociétés. En effet, la propriété foncière est à l’origine de bouleversements dans la société car l’appropriation des terres se fait de manière arbitraire ; il affirme que « le sol américain repoussait absolument l’aristocratie territoriale ». L’auteur met en exergue une conception différente qui promeut l’appropriation de la terre par le travail, comme le souligne la négation exceptive « il ne fallait rien moins que les efforts constants et intéressés du propriétaire lui-même » (p.73).
Par ailleurs, le sol américain ne permettant pas d’ « enrichir tout à la fois un maître et un fermier », les terres furent divisées et attribuées aux seuls propriétaires qui les entretenaient. Ainsi, l’Amérique a vu naitre une véritable forme d’aristocratie, non pas de privilèges de naissance, mais une aristocratie fondée sur la possession d’une terre et de sa transmission héréditaire.
« Les deux ou trois idées principales qui forment les bases de la théorie sociale aux Etats-Unis » se sont développées dans un premier temps dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre avant de s’étendre à l’ensemble du monde américain. La singularité de la fondation de la Nouvelle-Angleterre a permis d’engendrer des principes qui ont servi de modèles aux autres Etats comme le souligne la comparaison à l’élément feu : « La civilisation de la Nouvelle-Angleterre a été comme ces feux allumés sur les hauteurs qui, après avoir répandu la chaleur autour d’eux, teignent encore de leurs clartés les derniers confins de l’horizon ». (p.75)
Tocqueville, par la répétition de la conjonction de coordination négative « ni » met en exergue l’idée d’une égalité singulière ; dans ces états, « il ne se trouvait ni grands seigneurs, ni peuple, et, pour ainsi dire, ni pauvres ni riches ». (p.75-76). De surcroit, il insiste sur l’idée d’un groupe uniforme, une « grande masse de lumières », « tous sans en excepter peut-être un seul ». (p.76). Ce sont ces éléments qui forment les bases de la théorie sociale, mais plus particulièrement, ce qui distinguait les hommes de la Nouvelle Angleterre était « le but même de leur entreprise ». L’emploi du singulier souligne l’importance de l’unité qui se traduit par la volonté « de faire triompher une idée ». Ainsi, on retrouve la conception de la société selon Tocqueville, une théorie sociale qui s’appuie sur l’idée d’une unité d’esprits mus par la même volonté, celle de créer ensemble, et égalitairement.
Si l’auteur emploie l’approximation « deux ou trois idées principales », c’est peut être pour faire entendre aux lecteurs que le nombre importe peu. En effet, l’emploi de l’écriture italique pour le terme « une idée » suggère qu’il n’y a finalement qu’un seul principe qui forme la théorie sociale : celui d’une volonté commune.
Le terme « pieux aventuriers » renvoie aux « pèlerins » d’Angleterre qui ont quitté le pays. Ces émigrants appartenaient à la secte du puritanisme persécutée pour son austérité. Ces deux termes pourraient apparaître comme antinomiques mais l’alliance leur a permis de trouver la paix. En effet, le puritanisme « n’était pas seulement une doctrine religieuse ; il se confondait encore en plusieurs points avec les théories démocratiques et républicaines les plus absolues ». (p.76). Leur obstination et leur volonté les ont amené a quitter l’Angleterre pour trouver « une terre si barbare et si abandonnée du monde, qu’il fut encore permis d’y vivre à sa manière et d’y prier Dieu en liberté ». L’association des deux termes trouve son explication dans cette phrase : les émigrants puritains se sont lancés dans une aventure à la fois physique – trouver une terre d’accueil – et intellectuelle – « s’organiser en société […] pour la gloire de Dieu, le développement de la foi chrétienne et l’honneur de [la] patrie » (p.79). Ainsi les législateurs « s’occupèrent d’abord des lois pénales ; et, pour les composer, ils [ont conçu] l’idée étranger de puiser dans les textes sacrés » afin de « maintenir l’ordre moral et les bonnes mœurs dans la société » (p.83). Tocqueville dans ce passage introduit le rapport particulier de l’individu avec la loi dans ces Etats : les lois sont bien plus contraignantes que les individus commettent de crime ; les puritains, peut être par leur austérité, ont les mœurs douces, toutes ces lois ne sont pas nécessaires, l’auteur le souligne par le caractère extrême et presque cocasse de certaines de ces lois (p.83-84).
Nous pouvons dire dans une certaine mesure que Tocqueville observe une méthode de travail qui relève de l’historien. On peut d’ailleurs relever les nombreuses citations qu’il fait de l’historien Nathaniel Morton, « historien des premières années de la Nouvelle-Angleterre » (p.77). On retrouve la démarche généalogique qui consiste à observer et analyser l’origine des Etats pour comprendre le présent, en s’intéressant dans un premier temps aux individus qui ont permis sa naissance ; il s’agit ici des pèlerins qui se sont installés sur les rives de la Nouvelle-Angleterre. Les citations de cet historien sont extrêmement précises par la focalisation omnisciente :
références aux textes religieux « (Ps. CV,5, 6 ) », « (Exod., XV, 13) (p.77)
éléments spatio-temporel « DelftHaleft » « Hudson » « Plymouth » « la nuit » « le lendemain » (p.78).
Mais Tocqueville ne se contente pas de rapporter les écrits de Nathaniel Morton, il analyse ses propos et, par un souci de précision, développe sa démarche sociologique et historique en s’appuyant de la même manière sur des dates et des lieux précis. Il y ajoute des références aux textes comme le « Deutéronome », l’ « Exode », le « Lévitique » ou encore le « Code de 1650 » (p.83-84).
Cette volonté d’exhaustivité dévoile un projet directeur et non une méthodologie particulière : l’auteur s’attache à observer une démocratie qui fonctionne bien, celle qui s’est établie en Amérique, et convaincre ses contemporains de l’existence d’une organisation politique originale qui favorise la prospérité de la société. Mais par objectivité, il cherche aussi à définir les dérives possibles afin de les prévenir.
Pour commencer son raisonnement, Tocqueville part d’un cas particulier pour aller vers le général. Il envisage d’abord le cas de l’individu, puis celui de la société et enfin celui de l’Amérique. Il réfléchit sur la société à partir de ce qu’elle est à son origine, en comparant la naissance d’un homme à celle d’un peuple ou d’une société. Selon lui, le caractère d’un homme, ses faits et gestes ne se forment pas lorsqu’il grandit, mais dépendent de sa naissance et de ses premières années, « les circonstances qui ont accompagné leur naissance et servi à leur développement influent sur tout le reste de leur carrière ». Il en est de même pour une société ou pour un peuple. Son état, son mode de fonctionnement, ses vices et ses vertus dépendent uniquement de la façon dont elle a été créée, des circonstances de sa naissance. D’après Tocqueville, « les peuples se ressentent toujours de leur origine ». L’un des buts de Tocqueville est de montrer l’influence d’un point de départ sur l’avenir. Il pense qu’étudier la naissance d’une société permet de « découvrir la cause première des préjugés, des habitudes, des passions dominantes, de tout ce qui compose enfin ce qu’on appelle le caractère national ». On peut se demander pourquoi il a choisi d’examiner le cas de l’Amérique, et pas d’un autre pays. La réponse est simple, d’après Tocqueville « l’Amérique est le seul pays où l’on ait pu assister aux développements naturels et tranquilles d’une société, et où il ait été possible de préciser l’influence exercée par le point de départ sur l’avenir des Etats ».
Les premiers habitants d’Amérique étaient des Anglais qui voulaient fuir leur pays agité par de nombreuses querelles religieuses et par la lutte des partis. Ils venaient chercher « un nouvel avenir sur les bords opposés de l’Océan ». Ils avaient tous la même idée, le même projet de gouvernement puisque « toutes les nouvelles colonies européennes contenaient, sinon le développement, du moins le germe d’une complète démocratie. Deux causes conduisaient à ce résultat : on peut dire qu’en général, à leur départ de la mère patrie, les émigrants n’avaient aucune idée de supériorité quelconque les uns sur les autres ». Issus de la même classe, fuyant leur pays pour les mêmes raisons, les colons se sentaient égaux. Tocqueville constate donc que « la pauvreté et le malheur sont les meilleurs garants d’égalité que l’on connaisse parmi les hommes ». Il fut plus facile pour ces nouveaux habitants de mettre en place la démocratie en Amérique car c’était ce qu’ils recherchaient tous. Tocqueville constate ce que les premiers colons ont constaté : le sol américain était très dur à travailler, il qualifie la terre de « rebelle », « ses produits n’étaient point assez grands pour enrichir tout à la fois un maître et un fermier ». C’est ainsi que « le terrain se morcela donc naturellement en petits domaines que le propriétaire seul cultivait ». Tocqueville amène ici la notion de propriété foncière, notion qui sera beaucoup étudiée par Rousseau. Ces deux auteurs remarquent que la propriété est à l’origine de conflits. Comment peut-on être libres et égaux si l’on ne peut pas aller où l’on veut et cultiver n’importe quelle terre ? Ce paradoxe se retrouvera dans d’autres chapitres de De la démocratie en Amérique. Tocqueville nomme les premiers colons « ces pieux aventuriers ». Ceci désigne les membres d’une secte politico-religieuse (c’est ainsi que leur mouvement était considéré en Angleterre), appelée « le puritanisme ». Chassés de chez eux par les Anglais protestants et royalistes, ces hommes décidèrent de partir en Amérique, où ils « cherchèrent une terre si barbare et si abandonnée du monde, qu’il fût encore permis d’y vivre à sa manière et d’y prier Dieu en liberté ». Tocqueville les désigne comme « pieux aventuriers » parce qu’ils sont croyants et qu’ils sont à la recherche d’un endroit sur une terre inconnue où ils pourraient s’installer pour vivre et pratiquer leur culte. « Pieux aventuriers » pourrait être synonyme de leur surnom les « émigrants, ou comme ils s’appelaient si bien eux-mêmes les pèlerins ». Ils s’établirent sur le sol américain, et décidèrent de vivre en démocratie comme nous l’avons vu plus haut. Cependant, leurs lois étaient extrêmement contraignantes. La question peut être posée à nouveau : où est la liberté et l’égalité si tout nous est interdit ? Comment peut-on appeler démocratie un système de gouvernement qui nous impose des choses, ne nous laissant pas le choix ?
Dans tout ce chapitre, Tocqueville part de la naissance de la démocratie en Amérique, du temps des tout premiers colons, pour analyser ce qu’est devenue cette société. Il a besoin d’être précis, il utilise donc des citations d’un historien, Nathaniel Morton qui retrace l’arrivée des premiers habitants. Tocqueville cite de nombreuses dates « ceci se passait en 1620 », de lieux « au lieu où s’élève aujourd’hui la ville de Plymouth », de noms « pendant tout le règne de Charles Ier », il retrace des faits… en citant à chaque fois ses sources. C’est donc un vrai travail d’historien qu’il effectue.
On peut donc dire qu’à travers ce chapitre, et dans toute son œuvre, Tocqueville n’a pas une méthodologie précise (il est à la fois sociologue, historien, simple observateur…) mais un projet directeur qui est d’observer une démocratie qui fonctionne bien, pourquoi et quelles en sont les dérives possibles. Même s’il souhaite convaincre les français d’adopter ce mode de gouvernement, ce n’est pas celui qu’il préfère. Il favorise le gouvernement communal, le « germe fécond des institutions libres », et les associations. Ces systèmes obligent le citoyen à agir pour l’autre, à agir dans l’intérêt d’une communauté. Ils ne sont pas passifs et désintéressés du gouvernement. L’important pour Tocqueville dans un gouvernement communal, est que l’intérêt particulier est pour l’intérêt général.
Tocqueville, dans ce chapitre 2, commence par comparer l’« homme » et les « nations ». On a l’habitude de dire que l’homme commence à être homme uniquement lorsque la « virilité » fait son apparition, or Tocqueville pense que c’est « une grande erreur ». L’homme est « tout entier dans les langes de son berceau ». C’est-à-dire que c’est lorsque l’homme est enfant qu’il se détermine, avec l’aide des personnes qui l’entourent. Il compare cette image du nouveau-né, de l’enfant avec celle des nations. En effet, l’origine des nations, comme l’enfance d’un homme, exerce une influence sur son avenir. Nous trouvons, au bas de la page 70, une phrase qui résume cette idée et qui est la suivante : « L’Amérique est le seul pays où l’on ait pu assister aux développements naturels et tranquilles d’une société, et où il ait été possible de préciser l’influence exercée par le point de départ sur l’avenir des États. ».
Pour Tocqueville revenir aux sources, qu’il appelle le « germe » est primordial pour comprendre comment les peuples en sont arrivés à leur fonctionnement actuel, c’est-à-dire leurs « habitudes », leurs « préjugés », leurs « passions » ce que Tocqueville nomme « le caractère national ». L’auteur veut donc partir du « germe » de l’Amérique pour découvrir plusieurs choses :
Comment la démocratie est-elle arrivée en Amérique ? Comment en est-elle arrivée là où elle est ?
Ce sont ces projets qui justifient son choix d’étudier l’Amérique.
Tocqueville favorise une organisation politique en particulier, « le gouvernement communal » p.72, qu’il qualifie de « germe fécond des institutions libres » p.72. Ceci est donc la source de la démocratie, en effet le gouvernement communal oblige les citoyens à agir pour le bien d’une communauté. De plus, cette organisation est le point de départ de la liberté.
Comment expliquer que la démocratie soit arrivée en Amérique ? Les personnes qui arrivaient en Amérique étaient principalement des émigrants anglais. Ces émigrants avaient subi de rudes épreuves et « on voyait répandus parmi eux plus de notions des droits, plus de principes de vrai liberté que chez la plupart des peuples de l’Europe. » p.72. En effet, c’est lorsque l’on est privé de quelque chose que l’on se rend compte de son importance, et pour appuyer ce point, une citation de la page 72 convient parfaitement : « la pauvreté ainsi que le malheur sont les meilleurs garants d’égalité que l’on connaisse parmi les hommes ». C’est ainsi, en partant de l’égalité entre les hommes, que la démocratie a pu s’installer en Amérique. Les émigrants étaient donc égaux, d’autant plus que « tous les émigrants parlaient la même langue ; ils étaient tous enfants d’un même peuple. » p.71, ce qui solidifie l’égalité entre ces émigrants. D’ailleurs nous retrouvons le mot « germe » dans « le germe d’une complète démocratie » p.72 qui nous rappelle ce que nous avons vu précédemment, c’est-à-dire que l’on ne peut comprendre une société sans connaître les fondations de celle-ci.
On retrouve également cette idée à la page 76. « les émigrants de la Nouvelle-Angleterre » viennent dans un but précis, qui n’est pas pour améliorer leur conditions ou faire quelques profits matériels, s’ils viennent s’exiler c’est qu’ils « voulaient faire triompher une idée. » . On peut alors se poser la question suivante : Quelle est cette idée ? Est-ce d’être libre ? La liberté ? l’égalité ?
Au bas de cette même page nous trouvons l’expression « pieux aventuriers ». « aventuriers » pourrait s’expliquer par le fait que les émigrants qui « s’appelaient si bien eux-même, les pèlerins », cherchaient une terre. Un aventurier, par définition, est une personne qui voyage, et ces émigrants, ou pèlerins sont bien des personnes qui voyagent dans le but de trouver une « terre si barbare et si abandonnée du monde ». Ensuite, la citation « une terre si barbare et si abandonnée du monde, qu’il fût encore permis d’y vivre à sa manière et d’y prier Dieu en liberté. » nous explique l’adjectif « pieux ». Ces aventuriers suivent Dieu qui les mène vers « une terre prédestinée » p. 77.
Tocqueville, vers le début de ce chapitre, évoque le « sol américain ». On peut alors se demander comment s’organise le sol américain, ou encore quelle analyse en fait Tocqueville. Pour lui, « le sol américain (repousse) absolument l’aristocratie territoriale. » p.73. Tocqueville parle de « propriété foncière héréditairement transmise », c’est-à-dire que si on s’approprie une terre pour la travailler c’est différent que si on s’approprie une terre pour s’enrichir. En Amérique, le sol est divisé en morceaux et « le propriétaire seul cultivait ». Si nous comparons ceci avec ce que dit Rousseau dans Contrat social chapitre 9 « Du domaine réel », nous constatons une différence. Laquelle ? En Amérique, « un maître » est propriétaire de sa terre, tandis que Rousseau nous dit « Car l’État à l’égard de ses membres est maître de tous leurs biens par le contrat social […]. ». C’est donc, pour Rousseau, la communauté qui assure la terre à son propriétaire, et c’est à l’État qu’elle appartient.
Tocqueville parle de « deux ou trois idées principales qui aujourd’hui forment les bases de la théorie sociale des États-Unis. » p.75.
Quelles sont ces deux ou trois idées principales ? Nous ne pouvons pas forcément répondre en lisant uniquement ce chapitre, mais nous pouvons nous interroger sur le sens. « C’est dans les colonies anglaises du Nord […] que se sont combinées les deux ou trois idées principales », Tocqueville évoque ici le cas de la Nouvelle-Angleterre. D’habitude les colonies voyaient des émigrants arriver, des hommes généralement « sans éducation et sans ressource », mais « les émigrants qui vinrent s’établir que les rivages de la Nouvelle-Angleterre appartenaient tous aux classes aisées de la mère patrie » p.75. De plus, la Nouvelle-Angleterre exerce maintenant une influence « sur tout le monde américain ». Nous pouvons donc en conclure que ces idées portent sur les émigrants et surtout sur la Nouvelle-Angleterre.
Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique, fait un travail à la fois de sociologue, de philosophe et d’historien. _ Dans quelle mesure Tocqueville est-il aussi un historien ? La question qu’il faut d’abord se poser est : Quel est le travail d’un historien ? Un historien doit chercher, enquêter, comprendre, s’intéresser aux sources, aux faits passés. Il doit étudier le contexte social, économique et politique. C’est ce que fait l’auteur en donnant beaucoup de dates « ceci se passait en 1620 » p.80, « vers la fin du XVIe siècle » p.81, « dès 1628 » p.82 ou encore « le code de lois que le petit État de Connecticut se donna en 1650 » p.83. Tocqueville en plus de préciser les dates, nous donne l’indication des lieux, la Nouvelle-Angleterre, Plymouth, Providence, New-Haven, puis il cite ses sources, ici l’historien Nathaniel Morton, « l’historien que j’ai déjà cité » p.78. Tocqueville a un côté très précis lorsqu’il explique les événements, il revient sur le passé pour expliquer le présent. Tocqueville explique, entre autres, la colonisation de la Nouvelle-Angleterre en nous disant « Ce mode de colonisation, si favorable à la liberté. » p.81
En quoi la colonisation peut-elle être favorable à la liberté ?
La colonisation de la Nouvelle-Angleterre était particulière, elle avait un système unique qui consistait à donner aux émigrants « le droit de se former en société politique, sous le patronage de la mère patrie, et de se gouverner eux-mêmes en tout ce qui n’était pas contraire à ses lois. » p.81. Les émigrants doivent quand même respecter les lois, mais ils peuvent gouverner, ce qui laisse une part de liberté contrairement aux autres émigrants dans les autres colonies où « tous les pouvoirs civils et politiques se trouvaient alors concentrés dans les mains d’un ou plusieurs individus ». p.81.
Tocqueville dans ce chapitre fait un travail à la fois d’historien et de sociologue. Ce n’est que le second chapitre du livre, mais pourtant ce n’est pas le moins important puisque Tocqueville lui-même considère que « Ceux qui liront ce livre trouveront dans ce présent chapitre le germe de ce qui doit suivre et la clef de presque tout l’ouvrage » p.71.
Le chapitre 2 de la première partie de la Démocratie en Amérique est comme l’explique Tocqueville « la clef de presque tout l’ouvrage ». En effet, il y expose les « germes » soit ce que l’on peut définir comme l’origine de la mise en place de la démocratie en Amérique. Ce chapitre, essentiel à la compréhension de l’œuvre entière est très important puisqu’il introduit une définition de la société selon Tocqueville et nous en apprend un peu plus sur les méthodes de travail de ce dernier. De plus, on y retrouve l’idée qu’il est compliqué de comprendre pourquoi certains phénomènes se produisent sans que l’on puisse en connaitre les raisons précises.
Ainsi on remarque que Tocqueville s’attache à nous expliquer la naissance de la démocratie au sein d’une société. Il décide alors d’exposer son idée par le biais d’un parallèle entre la naissance d’un individu et celle d’une société démocratique. Pour cela, il observe en premier lieu que ce qui détermine un homme provient de sa naissance et de l’influence de l’extérieur c’est-à-dire celle de son entourage et celle de la société dans laquelle il évolue, sur ses actions et ses pensées. Par conséquent ce n’est pas un individu particulier qui change mais tout un peuple qui évolue dans les mêmes conditions « Les circonstances qui ont accompagnés leur naissance et servi à leur développement influent sur tout le reste de leur carrière ». C’est pourquoi ce peuple est alors déterminé par une société précise. Cependant lorsqu’un individu externe à cette société s’intercale dans celle-ci, il ne peut alors s’y épanouir puisqu’il n’a pas évolué avec celle-ci.
On retrouve cette idée lorsque Tocqueville évoque plus précisément l’exemple de l’Amérique. Il montre alors la démocratie en Amérique comme une organisation fondée sur le principe de l’égalité des hommes puisqu’aucun d’entre eux « n’avaient aucune idée de supériorité quelconque les uns sur les autres » et que tous ont émigrés afin d’avoir une vie meilleure, pour ne plus vivre dans la « pauvreté » ou le « malheur ». Il y voit également les différentes origines des colonies formées et distingue les colonies qui ont reçues une éducation donc ceux qui ont des émigrants qui ont déjà vécu dans une société et « les autres ». Celles-ci « fondées par des aventuriers sans famille » n’ont pas reçue d’éducation, leur façon d’être dépend alors entièrement d’eux-mêmes. Cette liberté est donc basée sur leur propre pensée. Mais on peut alors se demander si ses différentes colonies sont vraiment égales ?
Tocqueville prend l’exemple de l’Amérique car c’est le seul pays selon lui dont on connait le « point de départ » contrairement à l’Angleterre qu’il observe d’un point de vue historique afin de comprendre pourquoi les habitants de cette nation sont partis. Il poursuit ensuite son analyse du sol américain qu’il considère comme une « propriété foncière héréditairement transmise ». Il continue la justification de son choix, l’Amérique est aussi un exemple d’organisation politique. Il précise son goût pour « le gouvernement communal » qu’il qualifie de « germe fécond des institutions libres ». Ainsi Tocqueville montre que ce type de gouvernement permet la mise en place du principe de liberté qui doit être l’origine de l’évolution des hommes au sein d’une société. On voit ici un lien avec l’égalité entre chaque individu qui a permis à la démocratie de se réaliser en Amérique. Tocqueville s’interroge alors sur le lien entre ses deux notions. Pourquoi l’égalité, un des principes de base de la démocratie ne permet-elle pas la liberté ?
Tocqueville s’appuie sur des points historiques, il utilise notamment des citations d’auteurs comme Nathaniel Morton afin de démontrer que les puritains, « ses pieux aventuriers », autre colonie installée en Amérique étaient à la recherche d’une terre nouvelle ou ils pourraient exercer leur foi librement « les puritains cherchèrent une terre si barbare et si abandonnée du monde, qu’il fût encore permis d’y vivre à sa manière et d’y prier Dieu en liberté ». On remarque la très grande précision de l’histoire que fait Morton, qualité que l’on retrouve chez Tocqueville. Comment est-il parvenu à une telle connaissance de l’histoire des puritains ? A-t-il rencontré des descendants puritains qui lui ont retranscrit l’histoire ? A la lecture de ce passage, on remarque l’importance que Tocqueville accorde au « rocher ». Cette histoire permet surtout à Tocqueville d’en savoir plus sur l’origine de l’Amérique. A travers l’évocation du passé Tocqueville explique le présent, c’est une manière d’évoquer à nouveau la liberté. En effet, les puritains ont été encouragés par la société anglaise à émigrer vers le nouveau monde. Ainsi cet « asile » est à la fois une terre paisible pour ceux qui viennent s’y installé et un moyen pour l’Angleterre de se séparer des personnes dérangeantes. De ce fait on peut dire qu’il y a une certaine liberté pour les colonies anglaises par rapport aux autres. Ils ne sont donc pas dans la même situation que les autres émigrants. Ils ne sont pas fugitifs et peuvent donc se construire une nouvelle vie en Amérique sans se soucier de leur nation. Cependant peut-on toujours réellement parler d’égalité entre les colonies ? N’y a-t-il pas matière à discorde entre les émigrants ? Il semble que même si l’égalité, n’est pas les émigrants s’accordent tous sur une même idée. Ce lien constant entre les individus est ce que Tocqueville nomme la société.
« Ceux qui lirons ce livre trouveront donc dans le présent chapitre le germe de ce qui doit suivre et la clef de presque tout l’ouvrage » p.71, d’après Tocqueville ce chapitre est le départ essentiel à la bonne compréhension de son œuvre, car c’est ici qu’il nous explique et démontre, comment la démocratie s’est installée en Amérique. Il expose dans ce chapitre les « germes », c’est-à-dire ce qui est à l’origine, de la mise en place de la démocratie dans un pays comme l’Amérique. Là est alors toute l’importance de ce chapitre, car sans connaître la source d’un événements, d ‘un comportement, ou d’ici de la naissance d’une société démocratique, il est difficile de comprendre pourquoi ces phénomènes ont lieux.
On remarque d’ailleurs que Tocqueville met un point d’honneur, entre la page 69 et 70, à nous expliquer pourquoi l’origine forge les choses. Il choisit alors, pour exposer son idée, de partir de l’observation d’un individu particulier, ici on relève « Un homme » pour ensuite se concentrer sur l’analyse de la société. L’idée qu’il retire est qu’un homme se construit en fonction de ce qui l’entoure, en fonction de la société dans laquelle il évolue… Ainsi cette société, même s’il cet homme n’est encore qu’un enfant, va lui communiquer une certaine façon de penser, des idéologies… ce qui se répercutera sur son comportement adulte. C’est donc toute une même société, qui évolue en même temps dans les mêmes conditions. Les citoyens de celle-ci seront donc alors tous forgés pour vivre dans cette société en particulier. Par contre, si un étranger s’immisce dans celle-ci, n’ayant pas grandi dans les mêmes conditions, il se sentira toujours différent.
Pour appuyer ce que nous venons d’exposer nous proposons une citation de la page 71 : « (…)on se sent profondément convaincu de cette vérité ; qu’il n’est pas une opinion, qu’il n’est pas une habitude, pas une loi, je pourrai dire pas un événement, que le point de départ n’explique sans peine ».
A la page 76 on a un rappel de cette idée, les émigrants ont des origines différentes, ainsi plusieurs colonies se forment : « les autres colonies avaient été fondées par des aventuriers sans famille ». N’ayant « pas de famille », les émigrants n’ont pas d’esprit préformés, ils sont alors libres de leur pensées. Comme le souligne Tocqueville, nous pouvons alors les distinguer « des autres ». N’ayant pas eu d’éducation, n’ayant pas vécu dans une société, ce qui est à l’origine de leur manière d’être ne sont pas des éléments extérieurs, mais eux-mêmes, leur propre pensé. Ces personnes sont donc libres mais sont elles sur le même pied d’égalité ?
Dans le troisième paragraphe de la page 70 on peut remarquer la présence des verbes « assister » et « préciser ». Ces verbes peuvent marquer une façon de procéder chez Tocqueville, en effet « assister » peut renvoyer à l’observation qu’il fait de la société et « préciser » renverrait à l’étude qu’il en fait, aux conclusions qu’il en tire.
Tocqueville, en étudiant l’Amérique, étudie de ce fait l’histoire de la société anglaise. Pourquoi ne pas s’inspirer de l’Angleterre ? Pourquoi ne pas choisir d’étudier le problème qu’a connu ce pays ce qui a conduit un ensemble de citoyens hors des frontières ? Que manque-t-il à l’Angleterre pour pouvoir correspondre aux critères de l’auteur ? Tocqueville étudie l’Amérique car selon lui c’est le seul pays où l’on puisse observer « les développements naturels et tranquilles d’une société », c’est-à-dire que la source est identifiable, on connaît le « point de départ » pour reprendre l’expression du titre du chapitre. Ainsi Tocqueville pourrait faire une analyse plus profonde sur l’émergence de la société américaine, ce qui pour lui est extrêmement important du point de vue de sa position de sociologue.
D’après l’auteur le sol américain serait une « propriété foncière héréditairement transmise ».
Le choix de l’Amérique par Tocqueville ne se fait pas uniquement pour la raison qu’il est possible de connaître la source de cette société, mais aussi car l’auteur favorise une organisation politique. En effet à la page 72 nous pouvons voir que Tocqueville montre une préférence pour « le gouvernement communal » qu’il définit comme « germe fécond des institutions libres ». Cela vient donc s’ajouter à la raison précédente, car pour fonder la démocratie les hommes doivent évoluer avec l’idée de liberté et c’est ce que permet, d’après Tocqueville, le gouvernement communal, car il le définit comme un « germe », c’est-à-dire comme la source. Ce type de gouvernement serait donc propice à la mise en place de la liberté. De plus ce gouvernement est présent dans l’esprit des anglais arrivant en Amérique, ce qui fait de l’Amérique, en plus de la possibilité à connaître la source de la création de la société démocratique, le sujet idéal pour l’auteur.
Pour Tocqueville la démocratie en Amérique a été possible car à leur arrivée « les émigrants n’avaient aucune idée de supériorité quelconque les uns sur les autres » (page 72). Dans cette mesure, il est possible d’instaurer la démocratie car les émigrants étaient alors dans une relation d’égal à égal. On relève d’ailleurs que l’auteur insiste sur cette notion : « la pauvreté et le malheur sont les meilleurs garants d’égalité que l’on connaisse parmi les hommes » page 72. C’est ici que l’auteur amène une notion clé sur laquelle il s’interroge : pourquoi l’égalité n’a pas permis la liberté ?
Lorsque Tocqueville parle de « ces pieux aventuriers », page 76, il parle des puritains, qui sont venus s’installer en Amérique, donc des émigrants. Cette expression correspond exactement à l’image que se fait l’auteur des puritains : « les puritains cherchèrent une terre si barbare et si abandonnée du monde, qu’il fût encore permis d’y vivre à sa manière et d’y prier Dieu en liberté »page 76. Tocqueville fait ici une description quasi épique des puritains, à la recherche d’une terre nouvelle, encore inconnue de tous. Il appui cette idée avec la citation de Nathaniel Morton, après laquelle il démontre que ce ne sont pas que des aventuriers allant au hasard, mais qu’ils seraient guidés par Dieu. C’est là qu’on saisit parfaitement le terme, « pieux », employé par Tocqueville, en effet ce peuple aurait été guidé vers une terre promise, afin que la vie à laquelle il aspire soit possible.
L’historien que cite Tocqueville, c’est-à-dire Nathaniel Morton, retranscrit l’histoire des puritains avec une très grande précision. Avait-il des ancêtres qui lui ont raconté cette histoire ? A-t-il rencontré des personnes de leur famille ? Cette histoire se transmet-elle de génération en génération ? Rien ne peut nous dire cela, en revanche le récit que nous donne Nathaniel Morton de cette histoire nous rappelle les récits homériques. Nous avons l’impression de découvrir une seconde fois l’Amérique, une nouvelle arrivée sur une terre dangereuse. Tocqueville indique lui même dans une note l’importance qu’à le « rocher » sur lequel ils ont dû aborder. Aujourd’hui ce rocher est vénéré par les américains, ce qui peut nous montrer que l’histoire a tout de même été racontée pour ne pas qu’on oublie l’aventure de ces puritains. Mais cela peut aussi permettre à Tocqueville de se pencher sur l’aspect sociologique des américains. En effet, si cette histoire se raconte encore et que ce rocher est devenu un objet de vénération, cela peut montrer une facette de cette société. Ainsi les américains se construisent-ils sur l’histoire passée ? Trouvent-ils leur origine dans ces histoires ? Au travers de l’image du rocher retrouvent-ils l’image de leurs ancêtres ?
On peut dire que les américains qui viennent voir ce rocher, vivent dans une société avancée, qui est pour Tocqueville une société capable de s’analyser elle-même : « La providence a mis à notre portée un flambeau qui manquait à nos pères, et nous a permis de discerner, dans la destinée des nations, des causes premières que l’obscurité du passé leur dérobait » page 71. Tocqueville par la définition d’une société avancée ne donne-t-il pas en même temps une définition de l’histoire ?
« Ce mode de la colonisation (serait) si favorable à la liberté », car elle serait encouragée par le gouvernement anglais. En effet, si les personnes qui dérangeaient la tranquillité de ce pays, partent à la recherche d’un endroit meilleur, alors les lois anglaises, même si elles sont dures, peuvent continuer à exister. A la page 80 Tocqueville utilise le mot « asile » pour désigner l’Amérique, ce qui montre que ce pays est un lieu qui représente le repos, un endroit paisible, pour les anglais qui viennent se réfugier ici. C’est donc un lieu tranquille, si on la compare à l’Angleterre de cette époque. Les colonies anglaises sont donc plus libres que les autres, car leur gouvernement les aident à s’y rendent. Ainsi ils n’ont rien à craindre, ils savent qu’ils ne manquent pas à leur ancien pays, et peuvent donc se reconstruire en Amérique dans une totale liberté. Cependant si leur gouvernement ne leur en tient pas rigueur, cela ne fait-il pas d’eux des êtres supérieurs aux autres ? L’égalité ne serait-elle pas mise à mal par les traitements différents qu’imposent les pays dans les colonies ? Cela est peu probable en raison que tous sont venu ici dans un but commun, dans une même entreprise. En effet même si il existe différentes colonies, elles s’accordent toutes sur une même idée globale, c’est ce qu’est, d’après Tocqueville, une société.