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A propos de l'auteur

  • Mélina Mocka

    Étudiante en licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

Accueil || Licence de Lettres || Tocqueville || ÉDUCATION DES JEUNES FILLES AUX ÉTATS-UNIS.

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Quel rôle Tocqueville donne-t-il à l’éducation de la jeune fille ?

Tocqueville exprime la nécessité de s’intéresser à la question de la place de la jeune fille dans une société et à son éducation, car « c’est la femme qui fait les mœurs ». Les mœurs dépendront des l’éducation reçue et ce dès le plus jeune âge, puisque le caractère de la femme dépend, lui, de l’évolution de la jeune fille. Si Tocqueville s’intéresse de si près à la condition féminine c’est donc parce qu’elle a « un grand intérêt politique ».

Le chapitre témoigne d’une analyse comparatiste de l’éducation donnée aux jeunes filles américaines face aux européennes, qui semblent être des instructions antagonistes. Pour analyser cela, Tocqueville rend, tout d’abord, compte de l’importance de la religion adoptée. En effet, il semblerait que les femmes protestantes soient « infiniment plus maitresses de leurs actions » que les femmes catholiques. L’adverbe « infiniment » vient renforcer l’idée d’opposition entre les deux éducations inculquées aux jeunes filles. Tocqueville indique, immédiatement, la capacité de maitrise de soi offerte aux américaines protestantes contrairement aux européennes catholiques, incluant de façon explicite la doctrine religieuse quant à cette indépendance féminine : « La liberté pénètre alors dans la famille par les habitudes politiques et par les croyances religieuses ». Cette liberté paraît donc inscrite dans la démocratie américaine, comme un point naturel. C’est par une association entre « les doctrines du protestantisme » et une « une constitution très-libre et un état social très-démocratique » que la jeune fille est « livrée à elle-même » aux Etats-Unis plus que n’importe où ailleurs.

De quelle manière l’éducation américaine offre-t-elle plus d’indépendance à ses jeunes filles ?
Qu’est-ce qui se différencie de l’éducation européenne et catholique ?
Pourquoi offrir aux jeunes filles une éducation tout autre ? Quel intérêt ?

La société américaine donne, à la liberté personnelle, une place majeure et implique donc une connaissance du monde extérieur afin de s’y confronter correctement. C’est aussi le cas pour la jeune fille. En effet, elle est, dès le plus jeune âge affranchie « peu à peu de la tutelle maternelle » afin qu’elle « pense par elle-même, parle librement » et que ses actions soient le fruit de sa propre réflexion. C’est ici la première différence avec les européennes. En effet, au lieu de « dérober [à] la vue » de la jeune fille, le monde dans lequel elle va se retrouver rapidement, les américains lui exposent le « Grand tableau du monde » afin qu’elle soit prête à l’affronter sereinement, car consciente de ce qu’il est. Elle aura déjà une connaissance des « vices » et des « périls » de la société. Ainsi, elle pourra, comme l’écrit Tocqueville, voir, juger et affronter. L’écriture ordonnée et claire de Tocqueville dans cet extrait, illustre l’évolution de la jeune fille américaine consciencieuse, qui apprend, découvre et agit de manière réfléchie et claire. Contrairement à l’Européenne, la jeune fille n’est plus empreinnte d’une « candeur virginale » (formule insistant sur l’ignorance et la naïveté des européennes) ou d’une « timidité et une ignorance puériles ». Ici, nous constatons que Tocqueville oppose les deux éducations en accusant l’éducation européenne de complaire leurs jeunes filles dans un état d’esprit enfantin et absurde, qui n’est pas en accord avec le monde qui l’entoure. L’américaine connait le mal (« Si elle ne se livre pas au mal, du moins elle le connaît »). C’est alors que Tocqueville déclare qu’il considère que la jeune fille américaine « a des moeurs pures, plutôt qu’un esprit chaste » (il désigne ici les européennes). Il exprime donc, clairement, sa préférence pour l’éducation démocratique américaine, qu’il considère plus juste et surtout plus pur.

Comment protéger, malgré tout, la vertu de la femme ?
Laisser la jeune fille penser et agir par elle-même n’est-il pas un acte qui condamne sa vertu ?

Tocqueville affirme que la jeune fille américaine garde, systématiquement, le contrôle d’elle-même, de ses actions et de sa raison : elle « jouit des plaisir permis » mais elle ne « s’abandonne à aucun d’eux » et « sa raison ne lâche point les rênes, quoiqu’elle semble souvent les laisse flotter ». Les américains donnent à la jeune fille les moyens nécessaire pour « défendre » sa vertu et font confiance à sa « volonté » de conserver sa vertu et sa dignité. Tocqueville analyse ensuite, la comportement européen qui ne semble, apparemment, pas démocratique mais rappelant plutôt le « temps de l’aristocratie » où les jeunes filles sont retirées du monde réel et où elles sont tellement ménagées, qu’elles en deviennent méfiantes avec elles-mêmes. Cette éducation est ici décrite comme ingrate, une société dans laquelle nous les « nous les abandonnons [...] sans guide et sans secours, au milieu des désordres inséparables d’une société démocratique » A contrario, les américains « Au lieu de la tenir dans la défiance d’elle-même [...] cherchent donc sans cesse à accroître sa confiance en ses propres forces. » afin qu’elle puisse conduire ses pensées et ses paroles « sans accidents et sans peine » et qu’elle reste ainsi en permanence « maitresse d’elle-même ».

Quelles conséquences cette éducation provoque-t-elle, selon Tocqueville ?

Cette « éducation n’est pas sans danger », car en effet, les femmes ne sont plus ce que l’on avait l’habitude de voir : « des épouses tendre et d’aimables compagnes ». Tocqueville insiste d’ailleurs ici sur le rôle secondaire des femmes dans les sociétés européennes, qu’il voit comme des « femmes au foyer » plus que des personnes à part entière. La démocratie américaine les remplace par « des femmes honnêtes et froides » qui suppriment à la « vie privée » certains « charmes » qu’offrent les femmes d’une autre éducation. De plus, ces jeunes filles développent davantage leur « jugement », au détriment de « l’imagination ». Mais Tocqueville considère que ces conséquences constituent des « maux secondaires », car la société n’en est que plus « tranquille et mieux réglée ». Ainsi, l’éducation démocratique est nécessaire au garantissement de la femme face au monde périlleux qui l’environne.

Tocqueville rend compte de la situation de la jeune fille américaine dans la société démocratique, face à la jeune fille européenne. L’une est maintenue dans une « perpétuelle et complète ignorance » tandis que l’autre à une « connaissance précoce de toutes choses ». Les américains préfèrent « garantir son honnêteté que de trop respecter son innocence ». Si Tocqueville aborde ce thème c’est bien moins par élan féministe que par intérêt politique. Au-delà de l’importance de la femme dans la construction des moeurs, c’est ici un moyen d’illustrer les principes mêmes de la démocratie américaine : « l’indépendance individuelle », l’égalité des conditions, la liberté et l’importance de la responsabilité dans le développement de la vie de l’individu, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme. Nous pouvons remettre en question l’objectivité du propos et nous interroger sur la condition actuelle de l’éducation de la jeune fille, américaine ou européenne.