Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.
Tome II, Chapitre XIII, P 190
Le 5 février 2012 par Adèle Guicheteau
Explication linéaire.
En ce début de chapitre, Tocqueville se présente en observateur de la société et met en avant un paradoxe : il met en évidence deux sortes de peuple, un « misérable(s) » mais « serein », heureux, l’autre qui a tout mais est triste. Il renforce le paradoxe avec des superlatifs tels que « fort » et « les/le/la plus ». Il va s’interroger sur les raisons de cette différences, Tocqueville se met ici à la place d’un sociologue. Il oppose les deux en utilisant respectivement les termes « maux » pour l’un et « biens » pour l’autre. En soulignant cette différence, nous pouvons nous demander si Tocqueville ici rejoint la philosophie Stoïcienne et Sénèque en révélant que ceux qui possèdent sont malheureux alors que ceux qui « endurent », « font souvent paraître une humeur enjouée ».
Tocqueville utilise ensuite l’expression « ardeur fébrile ». L’ardeur est une force qui porte à faire quelque chose avec empressement et enthousiasme. Ce mot, associé a « fébrile » qui allie la fièvre à la nervosité et l’agitation, fait du bien-être une maladie ou plutôt une dépendance. Cette idée est confirmée par l’idée de « poursuite du bien-être » alliée aux mots « tourmentés » et « crainte » qui vont parsemer l’ensemble du chapitre. Tocqueville nous montre donc, dans une figure proche de l’hypotypose, des Américains qui courent, mais après quoi courent-ils ?
Le bien-être est ici présenté comme une sorte de drogue qui ne satisferait jamais son consommateur. Les biens, les posséder, serait un moyen de « (s’)assur(er) de ne point mourir », il en faut donc toujours plus, pour avoir l’assurance de bien vivre, le désir du bien matériel se transforme donc ici en besoin vital. Mais comme des drogués à l’opium, le consommateur a besoin de renouveler le plaisir, il faut qu’il soit a chaque fois aussi fort, c’est pourquoi Tocqueville parle de : « jouissances nouvelles ». En bon sociologue (cette notion-là ne va pas soi, prudence !) Tocqueville donne l’exemple de l’attitude de l’américain type : elle n’est faite que de paradoxes et de changements, « ses changeants désirs ». Nous retrouvons cette course interminable des désirs qui est un véritable tourment : « curiosité inquiète ». Les américains courent donc après des désirs et des plaisirs éphémères « pour se mieux distraire de [leur] bonheur ».
Mais finalement sont-ils les ’poursuivants’ ou les ’poursuivis’ ? C’est ici une course contre le temps que de se distraire avec de perpétuelles nouveautés : « La mort survient enfin et elle l’arrête avant qu’il se soit lassé de cette poursuite inutile d’une félicité complète qui fuit toujours. » Tocqueville semble reprendre ici les idées de Sénèque sur « la brièveté de la vie » et cite à deux reprises l’idée du « plus court chemin qui doit conduire [les Américains] au bonheur ». Mais pour trouver ce chemin il faut savoir prendre des raccourcis et ainsi changer parfois de route. Il observe ce phénomène comme existant depuis toujours mais si ce qu’il observe chez ses contemporains est teinté d’inquiétude, c’est qu’ici le phénomène est apporté par le principe d’égalité que veut le libéralisme : « ce qui est nouveau, c’est de voir tout un peuple qui le donne. » Le libéralisme, selon Tocqueville, a crée « les jouissances matérielles » et il entraine cette course : « l’objet final étant de jouir, il faut que le moyen d’y arriver soit prompt et facile ». Et cette course fait oublier la fuite du temps qui entraine vers la mort : « Souvent la mort y est moins redoutée que la continuité des efforts vers le même but. » Selon Tocqueville, le libéralisme chez les américains est donc la cause du paradoxe cité en début de chapitre, il rend leur âme « ardentes et molles, violentes et énervés »
Tocqueville aborde ensuite un autre principe : l’égalité.
L’égalité met les hommes sur une même base dans la société. Mais selon Tocqueville elle créé surtout des espoirs vains chez les « citoyens ». Car chacun étant sur un même pied, croyant avoir les mêmes chances, n’ont pas les même ambitions. Il explique que si la masse est forte, l’individualité de chacun en devient « faible », « impuissant[e] » car elle ne peut avancer qu’avec le groupe. De plus, chaque individu devient le concurrent de l’autre. Ce qui forme une pression constante car l’Homme n’aime pas voir quelqu’un d’autre au-dessus de lui. C’est donc une égalité factice que dénonce ici Tocqueville : « Un peuple a beau faire des efforts, il ne parviendra pas à rendre les conditions parfaitement égales en son sein ; […] il resterait encore l’inégalité des intelligences, qui, venant directement de dieu, échappera toujours aux lois. ». Le peuple n’est donc pas tout à fait égal mais les moindres inégalités frappent et cela devient selon Tocqueville, un cercle vicieux. Selon lui, ce cercle vicieux provoque la démence du peuple américain, « Leur volonté résiste mais leur raison fléchit. »
Tocqueville termine ce chapitre en élargissant sa perspective aux peuples démocratiques en général, où le peuple est bercé par l’illusion de l’égalité. Pour conclure, il affirme en observateur et comparateur de sociétés dites « démocratiques », que la « mélancolie singulière » des habitants, est dûe à une liberté soudaine qui a corrompu les « âmes ».
Vers la dissertation.
À la lumière de ce chapitre, nous pouvons poser le problème suivant : pourquoi Tocqueville voit-il chez les Américains "une inquiétude dans leur bien-être" ?
I) Tocqueville = sociologue.
a) Méthode d’observation :
Il commence par un fait observé, y met en relief un paradoxe, donne des exemples précis, propose des réponses à ses questionnements et conclut.
b) Un argumentaire précis
II) Bien-être = poursuite
a) Une dépendance :
Jouissances matérielles = drogues
b) Une course contre le temps :
Réf à Rousseau +
Vie trop courte, peur de la mort, jouir le plus possible pour oublier le temps.
III) La dénonciation des imperfections des sociétés démocratiques
a) Libéralisme = « poursuite inutile » :
Les désirs inconstants n’apportent pas le bonheur selon Tocqueville.
b) Une égalité dictatoriale et factice :
L’effet de groupe créé des espérances vaines, empêche l’individu d’avoir une ambition qui le ferait marcher plus vite que les autres. +
L’égalité ne serait-elle qu’une illusion ?