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A propos de l'auteur

  • Valérie PEREZ

    Fondatrice de ce site et auteur de la majorité des articles mis en ligne.
    Professeur agrégée et docteur en philosophie.

L’hadès sophocléen

Dans la tragédie de Sophocle, Hadès entraîne la majorité des personnages dans ses Enfers : Antigone, Hémon, Eurydice. Il symbolise la frontière qui sépare les vivants et les morts. Vocalulaire de la mort ; la vision de Tiresias dans la dernière scène de Sophocle. Une pièce placée sous l’influence des morts : chaque action, chaque parole des personnages est comme dictée par des voix d’outre-tombe.

Qui est Hadès ?

Fils de Cronos et de Rhéa, frère de Zeus, Hadès règne sur le monde inférieur, sous terre, au royaume des morts. A l’époque de Sophocle, les Grecs le craignent car il se montre intraitable avec les âmes des défunts. On comprend mieux l’entêtement d’Antigone à accomplir les rites funéraires. Elle dit d’ailleurs dans l’épisode II, aux vers 519 : « L’Hadès veut, malgré tout, pour tous, des lois égales. » Cela se traduit notamment par la volonté que tous les morts reçoivent les mêmes rites funéraires. En même temps que ces funestes attributs, le dieu des Enfers est aussi dispensateur de richesses et à ce titre il est souvent invoqué par les agriculteurs. Mais cet aspect n’intéresse pas les œuvres que nous étudions.

Son rôle dans la pièce

Hadès n’est mentionné qu’une seule fois dans la pièce d’Anouilh, p.112, il désigne le lieu qui retient Antigone emmurée vivante :

Aux cavernes de l’Hadès, aux portes de la ville..

Anouilh, comme nous l’avons déjà vu, fait abstraction des motivations religieuses de l’héroïne de Sophocle. Il ne reste du dieu grec qu’un lieu-dit qui porte son nom.
Dans la version de Sophocle, Antigone l’évoque dès qu’il s’agit de justifier son acte. Elle le mentionne par de nombreuses périphrases dès le prologue, faisant d’hadès le ressort de toutes ses actions :

v. 25 : Une place sous terre, et l’honneur chez les morts. ;

v.74-76 : Chère je dormirai près de qui me fut cher, saintement criminelle, car je dois moins longtemps plaire aux vivants qu’aux morts, dont je partagerai pour toujours le repos. Mais si tel est ton choix, aux saintes lois des dieux réponds par le mépris. »

L’amour d’un frère n’est donc pas le seul motif d’Antigone. Elle est celle qui rend justice aux dieux dont les rites sont bafoués. C’est un élément fondamental de la tragédie de Sophocle. Si dans Œdipe roi le héros éponyme voit son destin tracé par les oracles d’Appolon, Antigone se voit dicter le sien par Hadès. Elle agit en prêtresse du dieu des Enfers, dont elle est le porte-parole. Culte vain, si l’on en croit Créon :

v.779-780 : « du moins à cette heure elle reconnaîtra qu’il est vain d’honorer les ombres de l’Hadès.

Certes, elle défie les vivants et l’autorité politique, mais elle retourne l’accusation contre Créon, opposant les lois divines aux lois humaines promulguées par le tyran : c’est bien lui qui défie les dieux :

v.451 : « au foyer des dieux souterrains, la Justice n’a point de telles lois fait présent aux humains. » »

Tiresias viendra confirmer la volonté des dieux, comme il le fait dans Œdipe roi :

v. 1064-1076 : « Sache ne plus pouvoir aux courses du soleil égaler pour longtemps les courses de tes jours, avant que tu ne paies, d’un être de ton sang, cadavre pour cadavre, un rançon funèbre, pour avoir mis sous terre un être encore debout, pour l’avoir au tombeau honteusement muré, et pour garder sur terre un bien des dieux d’en bas, sans ultimes honneurs, sans sépulture, - un mort. Tu n’en as pas le droit, ni aucun dieu du Ciel, et par là, tu commets acte de violence. Ouvrières de mort, attendant de te perdre, des dieux et de l’H adès te guettent les Furies, et dans les mêmes rêts te prendra le Malheur. »