
Etude de qq. exemples dans La Suite du Roman de Merlin
Mode personnel ne comportant qu’un seul temps. Peu utilisé en latin, où la défense s’exprimait avec ne + subjonctif présent ou parfait.
Le futur, l’infinitif et le subjonctif présent pouvait exprimer l’ordre ou la défense.
Dans la quasi-totalité des verbes, l’impératif demeure au singulier, mais au pluriel il cède la place à l’indicatif présent.
En ancien français, l’impératif est utilisé pour les personnes 2 (tu), 4 (nous) et 5 (vous).
Exemple : le paradigme du verbe metre :
Met, metons, metez
La majeure partie des formes de l’impératif correspondent aux forme de l’indicatif présent.
Seuls les verbes de type 2 : estre, avoir, voloir et savoir ont pour impératif des formes du subjonctif présent :
Estre : soie(s), soions, soiez, soiiez
Exemples dans Merlin :
- ne soions mie si courechiet de la mort (§308)
- or soiiés liet et joiant (257)
- " Signour , ne soiiés a malaise de riens que vous voiiés (277)
Avoir : aie(s), aions, aiez, aiiez
Exemples :
- aiiés le bien en memoire apriés ma mort (248)
Voloir : veuilles - veuilliez
Savoir : sache(s), sachons/sachions, sachiez
- sachiés qu’ il les envoia au roi Artus (247)
- car bien sachiés que ele est fille de roi (297
- etc.
Une autre opposition est à faire remarquer lorsqu’on étudie l’impératif : l’opposition entre impératif à une base :
Chanter : chant, chantons, chantez
Metre : met, metons, metez
Fuir : fui, fuions, fuiez
C’est-à-dire base + 0, base + ons et base + er.
Différent de impératif à deux bases :
Amer : aime, amons, amez
Tenir : tien(s), tenons, tenez
Seoir : sié, seons, seez
Exemples dans Merlin :
- Nains , dist Tor , or en alons dont : § 285.
- Ore demorrons , biau frere , fait Gahariés § 271.
Etymologie : les paradigmes latins :
Cantare, canta, cantate
Amare, ama, amate
Tenere, tene, tenete
Audire, audi, audite
Fugere, fugi, fugité
Ducere, duc, ducite
Facere, fac, facite
Dicere, dic, dicite
Pas de -s final en p2 ni p5, à la différence du présent de l’indicatif. Ce qui entraîne une différence de timbre pour la voyelle finale.
Verbe du 1er groupe : le a final de canta devient e central en français.
Pour les autres verbes, e et i se sont effacés en français au VIIIème siècle.
Les verbes de l’ancien français se termineny donc par une syllabe vocalique ou par une consonne : « mais vien cha » § 314.
Le cas de fai : « Ore fai de moi chou qu’ il te plaist » (§ 290) et « Ha ! frans chevaliers , pour Dieu retorne et me fai un peu de serviche qui moult peu te coustera ! » (§ 295) :
Forme latine fac qui aurait du donner fa, or a donné fai vraisemblablement par analogie avec l’indicatif présent.
Explications de la P5 :
La terminaison -te du latin a reçu un -s final car le s était senti comme la marque du pluriel.
En ancien français, la désinence de la P5 est -ez, mais -és en picard (dans la Suite du Roman de Merlin du à l’affaiblissement de [ts] final en [s].
Les qq verbes qui font exception ont une terminaison atone : faites, dites.
La désinence -ons vient du latin -amus, désinence qui s’est généralisée pour les autres verbes.
Evolution de l’impératif :
adjonction d’un -s en P2 sur alignement de l’indicatif, sauf pour les verbes du 1er groupe.
Le fr moderne a conservé un s final devant en et y : penses-y, parles-en.
Construction syntaxique :
1/ verbe en tête de phrase accompagné d’un adverbe dit « d’insistance » :
Ore est un adverbe spécifique de l’impératif, au même titre que « car ».
§ 243 : « Mais ore me dites se vous en savés nulle »
§ 260 : « ore ne hastés les chevaliers si durement »
§ 275 « Mais ore me dites qui vous estes »
§ 281 : « Mais ore laisse li contes a parler del roi »
§ 285 : « Sire , ore en poés aller »
§ 251 : « Mais ore me dites , fait Merlins »
Car :
§ 294 : « car bien saichiés que li rois Pellinor l’ engenra en la feme d’ un vakier »
§ 311 : « car bien sachiés qu’ il vous retraira bien de chevalerie » (retraire = rapporter, raconter ; ici, ressembler à (note de Roussineau). = car sâchez bien qu’il vous ressemblera beaucoup par sa vaillance.
§ 312 : « car bien sachiés qu’ il vous oublieroit »
2/ Verbe à l’impératif précédé de « si » :
Lorsqu’il y a plusieurs verbes de suite à l’impératif : § 260 : « Prendés vos armes et montés sour vostre cheval et sivés le chierf tant que vous l’ aiiés pris , si en aportés chaiens la teste. » ligne 18. Traduction de Marcotte : Prenez vos armes, mettez-vous en selle et suivez le cerf jusqu’à ce que vous l’ayez pris, puis apportez-en ici la tête ;
3/ Impératif sans adverbe, à la place libre dans l’énoncé :
§ 258 : « Et saichiés que je ne le fac mie pour chou que j’aie a vous gringnour amour k’ a nul autre »
§ 250 : « Par foi , signour , merveilles poés chi veoir bien apertes » (apertes = évidentes : se rapporte à « merveilles ».)
4/ Impératif pour exprimer la défense :
Avec « ne », ou ne … mie, ne …pas.
Exemple : § 247 : « ne laisse mie pour sa povreté que tu ne l’i mettes » : ne manque pas de le mettre au rang des chevaliers malgré sa pauvreté.