Étudiante en 2ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.
De la Démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville, édition folio histoire, TOME 1 p.384 à 387
Le 2012 par Elise Woloskowski
Tocqueville expose ici les effets qu’aurait la « tyrannie de la majorité », donc l’opinion générale, aurait sur « le caractère national des Américains ». En effet après avoir exposé pourquoi la démocratie n’empêche pas la tyrannie, car elle serait présente dans son germe, c’est-à-dire dès le départ, Tocqueville soulève le problème que celle-ci pourrait avoir sur les citoyens américains.
La méthode de Tocqueville pour exposer son idée est d’analyser les événements de la mise en place de la démocratie en Amérique pour ensuite la comparer à plusieurs type de politique. C’est alors qu’au fondement de la démocratie, « l’opinion publique dirigeait les volonté et ne les tyrannisait pas »(l.10-11). Les hommes ayant gouvernés à cette époque sont alors admirés du peuple. Cependant le système démocratique se détache d’un système absolu : ceux qui gouvernent sont adulés du peuple mais « leur éclat »(l.12) n’est pas, dans le cas de la démocratie imposé au peuple, c’est-à-dire que les citoyens ne se soumettent pas au gouverneur, contrairement au gouvernement absolu où « la masse de la nation (…) s’y soumet souvent... »(l.18-19). On a ici une opposition entre « opinion publique » et « masse de la nation », ce qui renforce la différence de position et de liberté de ses citoyens. Tocqueville décrit même la « masse de la nation », qui représente donc le peuple du gouvernement absolu, comme faible et ignorant : « elle s’y soumet souvent pas faiblesse, par habitude ou par ignorance ; quelquefois par amour de la royauté ou de roi »(l.19-20). Ici on constate alors que la plupart des gens, donc pour reprendre la formulation de Tocqueville, la « masse de la nation », qui représente alors la majorité, n’est en réalité pas en accord avec les volontés et « caprices » du roi. On constate alors que ce n’est pas l’opinion commune qui gouverne ici contrairement à une société démocratique. Peut-on alors dire que la démocratie permet une plus grande liberté d’expression ?
On peut voir que Tocqueville nomme « pays libres »(l.30), les pays ayant adoptés des républiques démocratiques. On pourrait donc penser qu’étant donné que la liberté est favorisée dans ses pays, la société serait meilleure, et ainsi pourrait être égale car tout le monde aurait les mêmes droits pour s’exprimer. Cependant on note un paradoxe, car la société qui s’exprime et donne son opinion peut vouloir à tout prix se faire entendre et donc aurait parfois tendance à devenir mauvaise. C’est alors là un des « principaux reproches »(l.46) que Tocqueville fait à ces « pays libres », car contrairement aux personnes évoluants dans des « monarchies absolues », les citoyens démocratiques « cherchent à spéculer sur (leurs) faiblesses et à vivre aux dépens de (leurs) passions »(l.36-37). Ainsi ce qui est réservé au roi est ici à la portée de tous, ce qui créé un « abaissement (…) dans les âmes »(l.41). La liberté d’expression serait-elle un vice ? Ne faudrait-il pas mieux donner le pouvoir à un seul être ? La « tyrannie de la majorité » existerait-elle si il n’y avait qu’un gouverneur ? Mais alors comment se sentir libre si en l’étant nous devenons mauvais ?
Dans les « États démocratiques organisés comme les républiques américaines »(l.46) l’opinion générale est tellement étendue qu’il est difficile de s’en « écarter ». Il faudrait alors « renoncer à ses droits de citoyens, et pour ainsi dire à sa qualité d’homme »(l.49-50). Si notre avis diverge de « l’opinion publique », il faut donc s’exiler, renoncé à vivre dans cette république démocratique car c’est la majorité qui gouverne dans celle-ci et cette majorité est tellement conséquente que l’avis divergeant d’un citoyen n’est pas écouté. Ce citoyen est alors pour ainsi dire rejeter. C’est par cet aspect que nous commençons à voir se dessiner la « tyrannie de la majorité » dont nous parle Tocqueville. La « tyrannie de la majorité » ne laisserait alors par la parole à tous, malgré que certains avis divergents soient quelquefois vrai. Alors comment « l’américain qui s’écarte de la rigueur »(l.61) procède-t-il pour faire entendre son avis sur la société dans laquelle il vit ? Expose-t-il des propos cohérents ou expose-t-il ses idées sans argumenter ? Son opinion opposée à celle du peuple est-elle juste ?
Pour répondre à cela Tocqueville fait intervenir la figure de « l’étranger »(l.60) qui n’est autre que nous-même. Cet étranger aurait la capacité de faire parler les citoyens qui n’auraient pas la même opinion que la majorité. En effet ceux-là « livrent volontiers des vérités qui (nous) sont inutiles » mais une fois qu’il se trouve face à quelqu’un de sa société, donc devant la majorité ceux-là « tiennent un autre langage ». C’est alors un problème majeur car le citoyen n’est pas libre de son opinion ici, il a peur de la majorité et devient alors faible, comme le peuple du gouvernement arbitraire auquel nous faisions allusion précédemment (p.385). Pourtant cela ne sont que les effets produit par l’instauration d’une majorité, car il y aura toujours une minorité qui est forcément à la merci de la majorité sans pouvoir agir comme elle l’entendrait. C’est alors là ce que Tocqueville appelle « la tyrannie de la majorité ». Pourtant un citoyen faisant parti de la minorité n’a pas de mauvaises idées, il est même capable de « déplorer les vice des lois, la versatilité de la démocratie et son manque de lumières »(l.63), ils disent alors ce que personnes ne veut avouer. Ils soulignent même « les défauts qui altèrent le caractère national »(l.64), ils sont d’ailleurs les mieux placés pour parler de ça étant donné qu’eux-même sont victimes d’un défaut majeur de la démocratie qui est la « tyrannie de la majorité ». Cependant « personne ne les écoute » à part nous, étranger, car ils ne se livrent à personne d’autre et que la majorité sera toujours majorité, leur discours est alors insignifiant. Le peuple est-il alors vraiment libre dans une république démocratique ?
Tocqueville dans la dernière partie de son analyse décide de comparer une fois de plus la monarchie absolue à la démocratie en Amérique, ici il expose la différence d’influence du gouvernement sur le comportement du peuple. En effet il remarque une « grande et capitale différence »(l.85) qui est celle que les citoyens démocratiques ne sont pas contraint à appeler leur gouverneur « Sire » ou « Votre majesté »(l.85), mais qu’ils font eux-même la lumière sur leur « maître »(l.87). Cette idée rejoins celle des premières lignes de ce chapitre, cependant Tocqueville y met un avertissement, car si le peuple démocratiques semblent libre ce n’est qu’une chimère. En effet les citoyens, comme nous l’avons démontrés auparavant, ne sont en fait pas libres de donner leur opinion mais doivent suivre celle de la majorité. Tocqueville désigne cela comme un sacrifice : « mais en lui sacrifiant leurs opinions, ils se prostituent eux-mêmes »(l.92-94). C’est pourquoi même les « moralistes et les philosophes »(l.95), pèsent leur propos en Amérique avant d’« hasarder une vérité fâcheuse »(l.97). Car ici « vérité fâcheuse » signifie que c’est une opinion vraie mais qui n’est pas bonne à entendre ou à dire en Amérique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Tocqueville utilise le terme « hasarder » qui montre que ces philosophes ou moralistes vont exposer leurs idées de manières vagues et succinctes.
Enfin Tocqueville termine son analyse en proposant une solution à la disparition de cette « tyrannie de la majorité » qui est de ne donner à personne les pleins pouvoirs, la « toute-puissance »(l.110). Mais cette proposition de Tocqueville est-elle la bonne ? Comment faire fonctionner une société sans toute-puissance ?