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Sylvie Chung

Littérature de jeunesse
La petite poule qui voulait voir la mer.

Je vais vous présenter l’œuvre de Christian Jolibois : la petite poule qui voulait voir la mer, éditée en 2000 chez Jeunesse Pocket. C’est le premier d’ une série d’albums des mêmes auteur et illustrateur, tous les deux contemporains. J’ai choisi cette œuvre pour son genre comique et pour ses exploitations pédagogiques possibles et c’est la raison pour laquelle je la destine à un cycle 3 - CE 2.
Je vais présenter le roman et l’extrait choisi dans une première partie et les pistes de travail en CE 2 dans une deuxième partie.

En commençant par un petit résumé de l’œuvre, je vous présente Carméla, le personnage principal. C’est une poule qui a du caractère car Carméla refuse de faire comme tout le monde, elle veut aller voir la mer. Un soir elle part. Son aventure l’amène à bord de la caravelle de Christophe Colomb en route pour l’Amérique. Dans le nouveau monde où elle arrive elle trouve une population aviaire autre et fait la connaissance de Pitikok. Celui-ci va la suivre jusque dans son poulailler. De leur union va naître Carmelito, un poulet qui refuse lui aussi de faire comme tout le monde car Carmélito veut aller dans les étoiles, comme nous l’apprenons dans un autre album de la série.

Ce qui est intéressant dans ce roman de jeunesse, ce sont les personnages puisque les animaux sont personnifiés dans le but de plaire au lecteur comme La Fontaine le faisait dans ses Fables au 17e siècle.

(Référence : ’Léo Corbeau et Gaspard Renard’, de Olga Lecaye, écoles des loisirs, 2005)

D’autre part, la poule est un personnage récurrent de la littérature de jeunesse : je peux citer la comptine chantée en cycle 1 ’une poule sur un mur qui picore du pain dur’. La couverture de notre album semble d’ailleurs y faire référence. A ce propos en observant la première de couverture, nous remarquons Carméla qui serait à la limite de la poule sur le mur car elle enjambe le mur et son visage montre qu’elle est heureuse de partir à l’aventure.

L’intérêt du livre tient également aux deux points de vue celui de l’auteur et celui de l’illustrateur. L’illustrateur semble être de connivence avec l’auteur quant au choix des couleurs froides associées au temps des péripéties et des malheurs de Carméla. En revanche, les couleurs chaudes sont associées au moment de bonheur et de joie.
De plus lorsque Carméla se rebelle dès la première page, nous pouvons noter que la rébellion se reflète chez Carmélito. L’effet de miroir est rendu autant par le texte que l’illustration. Le texte dit : ’pondre, pondre toujours pondre, il y a des choses plus intéressantes à faire dans la vie’ et les paroles de Carmélito : ’dormir, dormir, toujours dormir, il y a des choses plus intéressantes à faire dans la vie’. Idem pour le dessin où on retrouve l’effet de miroir sauf pour les couleurs car on évolue soit vers les couleurs chaudes de la mer et les couleurs froides du ciel étoilé.

Mais illustrateur et auteur semblent se compléter lorsque l’illustrateur rend explicites des éléments du récit passés sous silence par l’auteur. Et ce rapport texte/image est intéressant car il est pédagogiquement exploitable. D’où la problématique suivante : comment utiliser la littérature de jeunesse pour faire acquérir des compétences et des savoirs ?

Lorsque l’image est redondante par rapport au texte il est utile d’en faire un usage pédagogique. En classe par exemple, le maître peut demander aux élèves de lire un passage, ensuite tout en s’appuyant sur l’image le maître peut vérifier oralement la compréhension du texte par les élèves. (Pourquoi Carméla regarde t-elle par la fenêtre ?)

Avec des illustrations sans explications textuelles, le maître peut amener l’enfant à faire une lecture d’image. Par exemple il peut se servir de cette page et leur demander de décrire les caravelles. Ce travail peut se faire collectivement à l’oral. Par un questionnement sur les moyens de transport connus des élèves l’enseignant peut alors susciter la problématique de ces caravelles et du personnage de Christophe Colomb évoqué dans l’histoire et associé à la Santa Maria. Ainsi, de fil en aiguille l’enseignant pourra aiguiller les élèves vers l’histoire des grandes découvertes. Les prochaines séances peuvent inclurent les liens interdisciplinaires avec la géographie (paysages exotiques des états unis) des sciences avec les techniques scientifiques qui ont permis la découverte du nouveau monde.

L’illustration est également utile pour introduire la ponte. Au moment où elle embarque à bord de la Santa Maria, Carméla négocie sa vie en échange de l’œuf quotidien de Christophe Colomb. Mais cette dernière ne sait pas pondre puisqu’elle ne suivait pas les conseils de sa mère. Donc l’enseignant pourrait se servir de ce thème de la ponte pour introduire un débat sur les représentations de la classe. En utilisant comme support la première page, les élèves peuvent émettre des hypothèses dont se servira l’enseignant pour amener le sujet de la reproduction aviaire.

Par rapport à un projet d’écrit, il est possible de faire produire un texte appartenant au genre de l’œuvre .

Ce qui implique que l’enseignant attire l’attention sur le comique de situation dans le récit comme dans les images (le comique est d’emblée pressenti par le lecteur dès la note sur l’auteur Christian Jolibois qui dit-on parle couramment le cochon, l’arbre la rose et le poulet // elle commence par faire des châteaux de sable, ramasse des coquillages, déguste des crevettes puis elle se jette à la mer, elle boit à la tasse -glup, glup- tousse, crache, fait la planche, nage, plonge glisse et fait même pipi dans l’eau…//pourquoi les poules de chez vous ont-elles le derrière tout nu ? je peux reprendre de ces bonbons jaunes ? c’est pas des bonbons, c’est du mais ! // Exemple d’illustration avec Carméla qui essaie de pondre son œuf dans des positions les plus drôles).

A la suite de cette phase d’observation du comique dans l’œuvre, l’enseignant peut commencer par une phase d’essai. À partir de la première illustration, en optant pour la situation de la poule qui utilise un livre pour s’essayer à la ponte, l’enseignant peut demander aux élèves de se mettre par deux et de trouver des idées sur la façon de rendre l’image comique. Après quelques minutes de réflexion l’enseignant rassemble les idées des élèves au tableau et collectivement s’accordera avec eux sur le choix des phrases répondant au critère de recherche. La rédaction peut s’ensuivre d’une façon individuelle où les élèves s’essaient à composer un texte comique. Un travail de synthèse sera apprécié pour vérifier les acquis des élèves et une prolongation consisterait en une production de texte comique à partir d’une autre situation de l’œuvre (par exemple lorsque Carméla sans l’aide de personne essaie de faire son œuf).

Pour amener l’enfant à parler, l’enseignant peut choisir l’illustration de la découverte des poules rouges par Carméla. S’aidant d’un questionnement sur la différence de culture et de couleur, l’enseignant peut engager les élèves à partager des points de vue sur les différences qui existent au sein de la classe et faire réfléchir sur le sens du respect de l’autres. (Référence à ’Poussin Noir’ de Rascal)

En conclusion cet album plaira à tous les publics et les adultes apprécieront le comique et l’ironie dégagés par le texte et les illustrations. Les enfants adhéreront immédiatement au héros et à ses intentions ambitieuses. Les pistes de travail en classe à partir de ce roman de jeunesse font de l’enfant un acteur de ses apprentissages et contribuent à mettre en relation différentes disciplines et d’autres œuvres de jeunesse. La littérature de jeunesse est un excellent outil pédagogique et je m’en servirai pour enrichir la culture littéraire et générale de l’élève, et surtout pour leur donner le goût de la lecture.