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A propos de l'auteur

  • Lisa Lucas

    Étudiante en 3ème année de licence de Lettres modernes à l’université de La Rochelle.

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    La troupe d’avril 2011

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    troupe étudiante qui a joué "L’Épreuve" dans le cadre des "Étudiants à l’affiche"

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Article d’Anne-Marie Garagnon sur la scène d’exposition du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Elle présente cette scène en faisant un commentaire stylistique. Tout d’abord elle présente les différents personnages et l’importance des maris dont elle dresse le portrait. Elle montre les différents jeux de modalités qui donnent du caractère et de la profondeur aux personnages et aux portraits. Elle montre les différents procédés qu’utilise Marivaux pour les personnages : le discours, la description, le récit. Ensuite elle parle de « portrait-caractère » en utilisant l’onomastique pour voir leur personnalité. De plus il y a l’utilisation des hyperboles pour favoriser l’argumentaire de Silvia. Enfin, l’auteure de l’article nous montre la dramatisation de cette scène par l’utilisation de l’image visuelle et sonore des personnages, des portraits. Les dialogues et monologues permettent de favoriser le discours de Silvia, cela donne de l’ampleur et de la profondeur à l’opinion de Silvia.

Les apparences sont présentes dans le texte avec les descriptions des 3 maris. Ils ne sont honnêtes-hommes que de surface, et leur famille subit leur réel caractère. De ce fait, Silvia se méfie des hommes « comme il faut » car elle ne sait ce que cache ce jeu des bonnes manières. Ce jeu en effet, car c’est par la ruse et l’illusion que « Dorante et Silvia parviendront à la vérité intérieure, celle de soi comme celle de l’autre ».

Pour faire cette critique constructive, je souhaite poser une question plutôt qu’une affirmation. Tous ces termes et toutes ces tournures sont-elles nécessaires ? Pour ma part, elles me donnent l’impression d’une apparente intelligence prouvée par des mots compliqués. La stylistique serait donc une étude élitiste ? Bien sûr qu’il faut un vocabulaire particulier dès le moment où on se spécialise. Mais pourquoi ne pas s’en tenir aux figures de styles ? Faut-il rendre la stylistique inaccessible ? Où est la démocratisation des savoirs ?

Scène 8, L’Épreuve

Introduction

À l’époque de Marivaux, le mariage n’est pas toujours célébré par amour, ce qui en fait un thème problématique récurrent en littérature. Au regard de l’article d’Anne-Marie Garagnon, nous avons choisi d’étudier la scène 8 de L’Épreuve pour illustrer ses propos. Par quels procédés Marivaux mène-t-il cette scène ?
Tout d’abord nous observons la niaiserie du du couple, pour ensuite se pencher sur la mise en place de l’épreuve, et nous conclurons sur la particularité de cette scène dans l’œuvre Marivaudienne.

I Un amour ridiculisé

I.a L’art du compliment

Dans cette scène, les personnages cachent leurs sentiments derrière de nombreux compliments, et laissent ainsi paraître une sorte de gêne, qui pourrait être interprétée comme un amour niais. En effet, la didascalie « en riant » est reprise 2 fois, ce qui pourrait renvoyer à une certaine gêne d’Angélique et à une réaction enfantine.
Ensuite, lors des questions/réponses que se posent les personnages, ceux-ci reprennent des formulations ou font de nombreuses répétitions, insistant sur le thème abordé par Marivaux. Par exemple, le substantif « secret » est répété lignes 28 et 29. « Je ne connais point d’autre secret. Je n’aime point ce secret là. » A cela s’ajoute plusieurs polyptotes avec les verbes : songer, savoir, chercher, oublier, soucier, et prendre. Par exemple : (voir texte). En rapprochant ces termes, on s’aperçoit qu’ils sont intimement liés, à la fois ensemble, et au fil de l’histoire, ce qui crée alors un effet de sens pour l’intrigue amoureuse.
De plus, de nombreuses hyperboles dans les compliments laissent place à une auxèse, lignes 21 à 25, exagérant le caractère niais des personnages. « Ôtez notre amitié, il n’y a rien dans mon cœur, je n’y vois qu’elle. » « Vos façons de parler me font tant de plaisir, que j’en oublie presque ce que j’ai à vous dire. » Ces répliques ne sont pas nécessairement vues comme des hyperboles pour les personnages, mais pour le spectateur, elles semblent exagérées.

I.b Connaissance de l’autre

Les deux personnages, Angélique et Lucidor, veulent avoir une connaissance de l’autre. Ils veulent tout savoir de l’autre. En effet, au départ, c’est Lucidor qui veut savoir l’état du cœur d’Angélique, mais c’est elle qui pose des questions. Les questions rhétoriques d’Angélique telles que « Comment faire ? », « Est-ce que je les remarque ? Est-ce que je les vois ? » ; montre une inversion du dialogue et permettent d’en apprendre un peu plus sur elle.
De plus les personnages utilisent des litotes tels que « si vous ne haïssez pas de me parler », et « Et moi je ne suis pas mélancolique » . Les personnages disent le moins pour le plus, ils ne veulent pas dévoiler leurs sentiments. Ils utilisent aussi des euphémismes : « l’extrême amitié que j’ai pour vous ». Les personnages exagèrent dans le compliment, mais réduisent l’expression des sentiments.

II Mise en place de l’épreuve

II.a La surenchère négative

Il y a sans cesse une surenchère dans les propos. En effet Angélique surenchère les propos de Lucidor avec sa joie extrême « toujours de mieux en mieux. Que je l’aimerai ! », ou encore « Il l’aura, Monsieur Lucidor, il l’aura ; il l’a déjà ». Dans cet extrait, la surenchère peut paraître négative car Luidor met en place le malentendu entre lui et le mari destiné. Et Angélique se jette dedans, tête baissée. Nous reparlerons de ce malentendu plus loin.

II.b L’onomastique

Les noms ne sont pas choisis au hasard chez Marivaux, ils symbolisent le caractère de ses personnages.
Ici, Angélique a un nom évocateur, elle est comme un ange, innocente et ingénue, très naïve et fleure bleue parce qu’elle est amoureuse.
Pour Lucidor, l’évocation n’est pas aussi évidente. Son nom viendrait du latin lux, lucis, lumière + d’or car il est obsédé par l’argent ou dort car les lumières de la logique, de la raison, et de l’intelligence dorment chez lui, puisqu’il n’a pas le bon sens de remarquer à quel point Angélique l’aime.
Si le caractère des noms est suivi, notamment celui de Lucidor, le malentendu sera facilité.

II.c Formalité de Lucidor

À la fin de cette scène, Lucidor cherche le bon droit pour offrir des cadeaux à Angélique : « acceptez de moi ce petit présent de noce que j’ai droit de vous offrir, suivant l’usage et en qualité d’ami ». Lucidor trompe Angélique et cette dernière croit encore plus que c’est Lucidor son futur mari. De plus Lucidor utilise un impératif « mais poursuivons » atténué par la conjonction de coordination « mais ». Lucidor veut passer à la suite et continuer à connaître l’état des différentes dispositions d’Angélique.
En fin, la phrase finale d’Angélique « Courez donc afin qu’il vienne plus vite » montre la naïveté enfantine de cette dernière. Le malentendu est ici renforcé par le final de cette scène. Angélique croit qu’elle va épouser Lucidor, mais il lui présente quelqu’un d’autre.

III Un style Marivaudien

III.a La provincialité

Les apostrophes « Ah ! » (l.15) peuvent être interprétés comme des soupirs d’amour, mais, « Eh ! » « Eh mais ! » « Ah çà » « Eh ! Sans doute ». Angélique est native de cette campagne, il est donc naturel pour elle de parler de cette manière qui surprenait sûrement/peut-être le public parisien. Lucidor fait aussi des apostrophes, sûrement parce qu’il prend les tics de langage de sa bien aimée puisqu’il la fréquente elle et son village depuis 7 semaines.
Angélique dit l.66 « malheureusement vous n’êtes pas de notre village, et vous retournerez peut-être bientôt à votre Paris, que je n’aime guère ». Marivaux place l’intrigue amoureuse hors de Paris et de ses conventions. Cela permet une plus grande liberté d’intrigue et d’expression puisqu’en campagne, lieu éloigné de Paris, les parisiens n’iront pas faire de scandale. Effet insulaire du village de campagne.

III.b Les subordonnées

Nous ne pouvons pas étudier ce texte sans nous arrêter sur les propositions subordonnées tant elles sont présentes.
Il y a notamment de nombreuses propositions subordonnées complétives conjonctives, dès les premières lignes de la scène : « Je songe que vous embellissez tous les jours. » ligne 3, « Je sais que vous aimez les fleurs. » ligne 6, ou encore « Je vous promets bien qu’il ne sera pas heureux tout seul. » ligne 105.
Ensuite, il y a également beaucoup de propositions subordonnées relatives, comme : « Notre amitié que vous savez bien » ligne 22, ou « mais avant que je vous quitte » ligne 110.
Si nous observons de plus près le contenu de toutes ces propositions subordonnées, il s’agit toujours de la relation entre Angélique et Lucidor, et de l’intrigue qui l’entoure. C’est-à-dire que ces propositions subordonnées ne portent pas sur la provincialité, ou encore sur d’autres sujets. Elles semblent toutes être orientées vers leurs sentiments, ce qui crée un effet d’insistance sur cette intrigue amoureuse, et rend les subordonnées davantage affirmatives. Par exemple : « Je l’aime autant que vous ». Cela permet à l’intrigue d’être toujours présente uniquement avec les subordonnées, comme si elles soulevaient le principal. Ainsi, l’histoire pourrait presque avoir un sens rien qu’avec les propositions subordonnées. « Je songe que vous embellissez tous les jours. » « Je sais que vous aimez les fleurs. » « L’extrême amitié que j’ai pour vous. » et ainsi de suite...

Conclusion
Le duo des amants est la scène centrale de L’Épreuve. C’est la scène la plus longue, et elle est placée au centre de l’œuvre. Dans la suite de la pièce, Lucidor présente à Angélique son valet Frontin déguisé en gentil-homme pour lui faire croire à son futur mari. La jeune fille en sera désœuvrée, et par la force des choses avouera un amour factice pour un fermier local, tellement elle sera déçue de la conduite de Lucidor. Cependant le quiproquo se résoudra à la fin par un simple aveu des sentiments, et Angélique épousera Lucidor.