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Tous les textes du groupement sont donnés aux élèves dans une première séance avec un protocole de lecture générale pour l’ensemble et formulé grâce à des questions sous la forme de la brève liste suivante :

-  A quel genre appartient chacun de ces textes à partir des titres et du paratexte et quels sont ces types de textes ?
-  Qui parle à qui ?
-  Quels sont les thèmes abordés et pour quel combat ?
-  Quels champs lexicaux et quelles récurrences apparaissent dans ces textes ?
-  Quels dangers sont soulignés dans cette société du XVIIIème siècle ?

Ces questions permettent aux élèves de comprendre qu’à travers des genres comme la lettre ou l’article, tous les philosophes subvertissent ces genres pour un combat commun ; des libertés diverses. Voltaire réclame le droit d’exister et de s’exprimer, Montesquieu, sous une forme déguisée, prône la tolérance en matière de religion, Jaucourt revendique la liberté d’expression et Diderot le droit à la liberté en récusant l’autorité politique.

Dans le texte de Voltaire apparaît largement la « raison et la vertu » et le ridicule voire l’ironie et la satire semblent appropriés pour lutter contre les ennemis des philosophes « odieux et ridicules ». Voltaire lutte contre une société engluée dans les « infâmes préjugés », avec des censeurs qui s’opposent non seulement à la liberté d’expression mais également au progrès avec notamment l’exemple d’Omer Joly. Il s’adresse à M. Helvétieus mais son texte est également un pamphlet qui dépasse la simple correspondance à un ami.

Montesquieu dans une lettre fictive met en scène deux persans, Usbek à Paris qui écrit à Mirza à Ispahan. Mais même si le paratexte abonde de références exotiques pour mieux masquer la critique, on ne peut que soumettre la société française au même examen critique puisqu’en ce siècle-là l’inquisition fait des ravages en Europe, surtout en Espagne et au Portugal, ce que dénoncera à maintes reprises Voltaire dans ses contes philosophiques, tels que Candide. Le « péril », la « perte » mettent l’accent sur le danger imminent d’une intolérance face à des « infidèles » qui pourraient « polluer » et une seule religion d’état devient une « aveugle dévotion » qui ruine l’industrie et l’agriculture en chassant des hérétiques qui sont, en l’occurrence, aussi des artisans et des laboureurs qui enrichissent par leur savoir-faire le royaume. La France de l’époque se réclamant d’une seule religion ne peut qu’être concernée par cette fiction.

« La liberté de presse » apparaît immédiatement au début de l’article « Presse » de Jaucourt. On s’attend à un texte informatif mais ce n’est pas le cas et curieusement ce texte présente d’emblée un questionnement avec une interrogation indirecte qui propose une alternative avec une liberté « avantageuse ou préjudiciable ». L’auteur présente alors une défense de cette liberté en évoquant les arguments en faveur de sa thèse et éludant très vite les « inconvénients… si peu considérables ». Il engage une polémique pour dégager « le vrai du faux » avec des détracteurs implicites.

Diderot enfin aborde l’ « autorité politique » et réfute cette notion, commençant son texte par une négation : « Aucun homme n’a reçu… » L’autorité est constamment battue en brèche et on remarque la récurrence du mot « nature » qui permet à Diderot de souligner que l’autorité n’est pas inscrite dans « l’état de nature ». Il ne reconnaît qu’une seule autorité secondaire ; celle de la « puissance paternelle » limitée et une autorité suprême, celle de Dieu « tout puissant ». L’autorité politique est alors définie comme une autorité qui synonyme de « violence » tyrannique qui engendre la « soumission ». Il en vient à évoquer l’Angleterre, tout comme le fait Voltaire, à titre d’exemple, plus modérée et donc plus acceptable.

A l’issue de cette première séance, nous avons donc une première définition des philosophes engagés dans une critique systématique d’une société qui pratique la censure et se livre à des abus en matière de religion, de politique et d’expression. On comprend que les écrivains de l’époque sont prisonniers dans un système despotique et on comprend aussi, dès lors, que leur combat est de s’exprimer par des voies détournées (mais non pas timides) pour changer leur société mais surtout pour s’exprimer sans contrainte d’où des textes subversifs mais voilés dans ou par des genres neutres. Le texte qui est le moins déguisé est celui de Voltaire puisqu’il relève d’une correspondance privée : nonobstant, il n’en est pas moins virulent, il a d’autres destinataires possibles (puisque cette lettre sera publiée) et permet d’affiner la définition du philosophe et de ses revendications.