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    Le réalisateur Christian Rouaud

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Petit retour en arrière pour les moins de 40 ans : le Larzac, plateau rocailleux au sud du Massif central, a bien failli se transformer en vaste champ de manœuvres pour soldats. En octobre 1971, le gouvernement français, sous l’impulsion du ministre de la Défense, Michel Debré, décida de l’agrandissement du camp militaire du Larzac. Grave erreur. Les paysans et leurs sympathisants s’opposèrent à ce projet d’extension.

Le cinéaste français Christian Rouaud est revenu sur les terres du Larzac, pour interroger le passé à sa manière : il construit ce documentaire sur les témoignages des anciens jalonnés d’images d’archives. Les paysans se succèdent face caméra et nous font part de leurs souvenirs en retraçant cette palpitante épopée sociale, intacte dans leur tête.

On se laisse très vite captiver par ce collectif de paysans d’origine (« pur porc » comme dit malicieusement l’un d’entre eux). Ils se nomment Léon Maille (ex-militaire rongé par Mai 68), Marizette Tarlier (femme de l’ex-leader du mouvement, tous deux colons d’origine et reconvertis à l’agriculture), Michel Courtin (un provençal qui fait son service au Larzac et devint paysan par la suite), Pierre Bonnefous (un curé plein de malice qui tente de tempérer la lutte), José Bové (qui rejoint le Larzac en tant que militant libertaire), entre autres. Chacun avec son insolence, son émotion, fait débouler les images authentiques. On les imagine par milliers les sacs de couchage jaunes et bleus dont parle Michel Courtin. Rassemblements de 1973 : le plateau a évolué en « Woodstock français », comme dit José Bové. L’histoire rappelle alors, indéniablement, celle de toute la France volcanique d’après 1968 : les habitants, à l’origine conservateurs et catholiques, voient débarquer maoïstes travaillant gratuitement dans les fermes, hippies à la limite du nudisme ou encore certains qui ont le statut d’objecteurs de conscience, comme Christian Roqueirol, qui, depuis, s’est installé paysan sur le Larzac.

Les acteurs du Larzac apprennent de chacune de ces vagues. Entre ferveur collective et grand désordre, la détermination triomphe. Pour que cèdent l’armée et le gouvernement, toutes les méthodes d’opposition sont exploitées, tant qu’elles sont non violentes. Manifestations en tracteur, occupations de ferme face aux soldats ou moutons lâchés sur le Champ-de-Mars, à Paris... Dans cette lutte d’idées pour un territoire, les autorités ont toujours un temps de retard. L’atout majeur des paysans du Larzac ? Leur puissante solidarité. Rien ne semble les avoir atteints. Le film ne cache bien sur pas l’usure de la lutte et l’énervement qui pèse. Mais l’espoir et le positivisme règnent, comme le dit si bien Marizette : « toujours digne, forte et rieuse »

Les agitateurs du Larzac ont gagné leur lutte contre l’armée en 1981 : élu président de la République, François Mitterrand a rapidement annulé le projet du camp militaire. Mais l’esprit de révolte, lui, reste bien éveillé : création de la Confédération paysanne, lutte contre les OGM, altermondialisme...